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par le Conseil de la Musique

Duo Hallynck

Confidentes

Stéphane Renard

Elles jouent ensemble depuis toujours. Sœurs dans la vie, complices en musique, Marie et Sophie Hallynck signent un nouveau disque en duo. Elles y célèbrent avec un bonheur évident l’alliance du violoncelle et de la harpe, du feu et de l’eau. Premier album d’une série célébrant les 30 ans du label Cypres, Confidentes enfile dix-huit perles signées Debussy, Liszt, Fauré, Elgar, Chopin et autres grands, dans des adaptations ciselées avec une extrême délicatesse. Entre langueurs infinies et temps suspendu…

Sophie et Marie Hallynck

Ne leur demandez pas laquelle des deux a eu l’idée de ce disque. Elles ne le savent pas. Cela n’a d’ailleurs pas vraiment d’importance. « Il y a trente ans que nous jouons ensemble. Les idées fusent souvent simultanément ! », répondent-elle presque en chœur. Et c’est l’évidence même. Sous leurs doigts, l’alliance un peu inhabituelle entre la voix du violoncelle et l’envol de la harpe révèle des richesses insoupçonnées.

Il existe donc bien un répertoire pour violoncelle et harpe?
Marie (violoncelle) : Absolument, et davantage qu’on ne le pense, mais nous ne le cherchons pas systématiquement. Nous préférons souvent réaliser des arrangements d’œuvres que nous chérissons. Ce sont nos petits joyaux… Cette démarche est, à la base, plus musicale qu’instrumentale. Lorsque nous choisissons une pièce, c’est parce que nous avons l’impression que les sonorités du violoncelle et de la harpe peuvent apporter quelque chose. C’est l’adaptation qui nous intéresse.
Sophie (harpe) : On marche vraiment aux coups de cœur, même si ces œuvres ne sont pas choisies au hasard. On s’interroge d’abord sur le fait de savoir si notre adaptation, à laquelle s’ajoute une petite touche personnelle, ne va pas dénaturer la pièce et peut-être même lui apporter une nouvelle pétulance, voire la sublimer avec nos couleurs propres. Ce sont aussi des œuvres que nous avons beaucoup partagées avec notre public.
M. : Nous avons également voulu compléter nos miniatures intimistes par trois pièces originales, deux du harpiste belge Adolphe Hasselmans et une de Ferno Bellini.
S. : La vraie difficulté, cela a été de se limiter à 18 pièces ! Rien qu’avec Liszt, dont nous avons repris La lugubre gondole, nous aurions pu faire tout un disque…

 

Marie HallynckDans un duo, on existe au travers de l’autre.

 

Votre complémentarité tient-elle au fait que le violoncelle est un instrument très physique alors que la harpe un instrument plus éthéré? Exact ou caricatural?
S. : Je souris… ! Avec son mètre quatre-vingt et ses 47 kilos, la harpe est bien plus volumineuse que le violoncelle. C’est un instrument que l’on enlace, et dont on obtient le son avec le gras du doigt, ce qui demande un engagement total. Le jeu est extrêmement physique. Je regrette parfois de ne pas avoir les mains d’un homme !
M. : Cette complémentarité se ressent aussi dans nos natures personnelles. La harpe évoque souvent l’air et l’eau par son côté très fluide. Elle a un côté très maternel par son aspect enveloppant et sa résonance extrêmement généreuse. La voix du violoncelle est merveilleusement portée, maternée, par la résonance de la harpe. Mais elle peut aussi avoir un côté très joueur, très ludique, qui peut susciter énormément de contraste.
S. : Mais quel bonheur d’entendre ma sœur parler ainsi de mon instrument !

À votre tour alors de nous parler du violoncelle de votre sœur…
S. : Ce qui me vient tout de suite à l’esprit, c’est évidemment son timbre et son côté tellement poignant, mais aussi sa dynamique et toute sa palette d’expressions. Dans les mains de Marie, le violoncelle est vraiment le prolongement de tout ce qu’elle a envie d’exprimer. Et puis, ce sont de beaux instruments tout simplement ! (rires)

En vous comparant à vos instruments, vous évoquiez une harpe… maternante?
M. : En fait, Sophie est mon aînée. Très jeune, elle était déjà sur les planches. Elle m’a emmenée dans son sillage pendant nos études et dans le parcours professionnel, avant que la musique ne prenne de plus en plus d’importance dans ma vie pour s’imposer définitivement. Dans la nature de Sophie, il y a ce caractère extrêmement généreux et sensible. Elle est toujours à l’écoute de l’autre, ce qui est essentiel car dans le répertoire que nous jouons, la harpe a souvent un rôle d’accompagnement. Cette capacité d’écoute n’est pas donnée à tout le monde. De plus, à certains moments, il faut aussi pouvoir raconter des choses. C’est ce que je ressens très fort chez Sophie. Le plaisir que j’ai à jouer avec elle tient à l’instantanéité de son jeu, que l’on retrouve décuplée en concert. Quant à moi, je crois qu’on retrouve une espèce de constance… mais il est très difficile de parler de soi-même.

La musique de chambre, c’est la rencontre de caractères forts. Jamais de bisbrouille?
S. : Il y a pas mal d’échanges, de réflexions, mais il n’y a jamais de conflit. Tu es d’accord ?
M. : Tout à fait ! Dans un duo, on existe au travers de l’autre. On est tellement complémentaires dans ce jeu mutuel… Et puis, n’oubliez pas que, contrairement à ce qui se passe dans un quatuor qui mobilise ses membres à temps plein, nous menons chacune aussi une carrière individuelle, y compris dans l’ensemble Kheops. Cette richesse-là contribue aussi à nourrir notre duo.

Chacune apporte à l’autre sa propre expérience?
M. : Absolument. Lorsque j’ai exploré le répertoire français et plus particulièrement Debussy, Sophie m’a énormément apporté grâce à sa connaissance de la grande tradition française de la harpe.
S. : Moi, c’est quand je travaille avec Marie, notamment au sein de l’ensemble Kheops qui ne rassemble que des passionnés extrêmement rigoureux, que j’élargis mon horizon musical…

La prise de son de votre enregistrement met parfaitement en évidence votre dialogue, sans privilégier l’une ou l’autre voix…
M. : … et c’est un choix assumé. Nous avons travaillé avec Aline Blondiau, merveilleuse ingénieure du son. Elle est vraiment la complice des musiciens.
S. : On n’insiste jamais assez sur l’importance du preneur de son, qui peut influencer toute la philosophie d’un enregistrement. Aline est une partenaire à part entière, comme on pourrait en avoir une en musique de chambre. Elle a une telle sensibilité… Ce que l’on apprécie énormément chez elle, c’est son intégrité. Le son n’est pas trafiqué. On a fait un essai ou deux avec réverbération, mais on ne les a pas retenus. Nous avons décidé à l’unanimité de laisser le son tel quel, dans toute sa pureté, avec simplement un couple de micros, comme une paire d’oreilles. De bonnes oreilles, pour laisser la magie opérer…


Duo Hallynck
Confidentes
Cypres