Accéder au contenu principal
Le magazine de l’actualité musicale en Fédération Wallonie - Bruxelles
par le Conseil de la Musique

Tuur Florizoone

Enfin seul

Jean-Pierre Goffin

Tuur Florizoone est fidèle à son accordéon Bugari acheté en Italie il y a vingt-deux ans. Certes, il en a un autre, mais comme il dit : « Il y a cinquante dimensions qui ne sont pas là. » Il lui a fallu huit à dix ans pour en maîtriser le son et aujourd’hui, c’est son ami Michel Massot qui lui dit : « Toi avec ton accordéon, il y a vraiment un son, ça ne sonne pas comme les autres. » Cet album en solo Night Shift en est le parfait écho.

Tuur Florizoone sort son 1er disque solo

Tuur, avant cet album en solo, vous avez joué durant le premier confinement dans un Bel Jazz Fest inédit à Flagey.
C’était particulier, je n’avais plus fait de concert depuis très longtemps. En public, il y a ce côté aller-retour. C’est un grand luxe pour un musicien de créer et d’avoir directement ce retour, qui résonne comme un amplificateur d’inspiration, une sorte de thermomètre pour voir si ta musique prend ou non. Sur scène, je m’adapte toujours un peu sans tomber dans le travers de vouloir plaire à tout prix. À Flagey, mon public c’était l’ingénieur du son et un ou deux photographes… C’était déjà trois personnes de plus que ce que j’avais eu les trois mois précédents. C’était aussi particulier avec le vent car le concert avait lieu sur le toit du bâtiment et il fallait que le son soit bon, comme je joue complètement en acoustique, le son est très important.

 

Tuur Florizoone
Je ne suis pas le genre de musicien qui fait ses gammes régulièrement,
j’essaie que ce soit physique.
 

 

Comment avez-vous préparé cet album solo ?
Ça faisait un petit temps que je pensais à un solo en me disant que j’allais faire ceci ou ça, mais finalement, je n’ai pas fait grand-chose de ce que j’avais prévu. À l’arrière de la maison chez moi, j’ai une pièce qui est mon studio, j’y réalise mes créations, des musiciens viennent aussi pour répéter avec moi. Lorsque j’avais un petit moment de calme, j’y allais pour jouer. Comme les enfants étaient omniprésents pendant le confinement, je jouais la nuit ou alors, je me levais vers cinq heures. Je jouais vraiment ce qui sortait de mon instrument sur le moment. Je répète rarement, je ne suis pas le genre de musicien qui fait ses gammes régulièrement ; j’essaie que ce soit physique, j’essaie de trouver de nouveaux mouvements de doigts. Ce qu’on entend sur le premier morceau, par exemple, ce sont des accords avec la main gauche qui sont plus hauts que le registre avec la main droite, c’est un peu comme jouer les mains croisées sur un piano.

On sent en effet que le son prend souvent le pas sur la mélodie.
Ce n’est pas comme avec Tricycle ou avec Michel Massot et Marine Horbaczewski où il y a deux ou trois voix, avec une basse, un contrechant, la musique qu’on fait est mélodique. Ici, il y avait l’envie de créer un son qui ne soit pas nécessairement structuré. Il y a surtout des improvisations et puis il y a Brassens aussi avec Je me suis fait tout petit, un morceau chouette à jouer à une seule main, juste la mélodie. Je ne me voyais pas faire tout un album en ne travaillant que sur le son : un accordéon, ça reste un accordéon, ça peut être fatigant pour les oreilles. Un morceau comme celui de Brassens dans un registre très doux, c’est ce qu’il fallait dans un programme solo. J’ai vraiment fait en sorte que l’album soit équilibré, en amenant des percussions, puis un passage super-lent, un peu de souffle. J’ai réfléchi à ce scénario pour que ce ne soit pas démonstratif, qu’il y ait une histoire cohérente.

Certains morceaux créent de véritables images, comme Cap Gris-Nez avec la mer et le vent, ou Buzz comme un chant d’abeilles.
Buzz c’est très drôle… Je jouais de manière très douce, chaque claquement s’entendait, les micros étaient à fond et il y avait une note qui sortait comme un bêlement de mouton, une poussière dans une lamelle peut-être, et le son ne sortait pas normalement. J’ai enregistré ce son que je ne connaissais pas. Cap Gris-Nez, j’ai pensé aux vacances que nous y avions passées et je me suis dit que c’était vraiment ça, le bruit de la mer et du vent.

L’humour sarcastique de Governing Belgian Style n’échappera à personne.
Je trouvais le morceau tellement ridicule avec une mélodie un peu chaotique qui part en vrille sur la fin. J’ai l’impression que c’est ce qu’on vit dans notre pays depuis quelques années et encore plus aujourd’hui. Il ne fallait pas être un grand compositeur pour écrire ce morceau, c’est un peu un morceau de plombier… qui correspond à l’image de notre politique.

Tuur Florizoone
Night Shift
Aventuramusica