Accéder au contenu principal
Le magazine de l’actualité musicale en Fédération Wallonie - Bruxelles
par le Conseil de la Musique

Puggy

Bien arrivés!

Luc Lorfèvre

Le plus atypique et international des groupes belges continue de tracer sa route hors des sentiers battus. Sept ans après le succès critique et commercial de Colours en 2016, Puggy signe son retour en deux temps. D’abord avec l’EP Radio Kitchen début 2024, puis avec Are We There Yet?, cinquième album audacieux où Matthew Irons, Romain Descampes et Egil “Ziggy” Fransen s’aventurent hors de leur zone de confort pour flirter avec une
indie pop qui n’a rien à envier aux Parcels ou à Phoenix.

Avant de revenir avec votre cinquième album, vous avez sorti l’EP Radio Kitchen en 2024. Une étape indispensable?
Egil “Ziggy” Fransen: Je ne pense pas que nous aurions pu sortir Are We There Yet? tel qu’il est sans passer par la case EP. Il y a eu six ans de silence, du moins en tant que Puggy, entre la fin de la tournée Colours et Radio Kitchen. On se posait mille questions : est-ce que le public attend encore Puggy ? Est-ce que nous sommes toujours pertinents ? La formule groupe a-t-elle encore du sens ? Avons-nous encore des choses à dire ? Comment intégrer les nouveaux outils de communication ? Les réactions à l’EP et aux premières prestations live ont dissipé tous ces doutes. Résultat : l’enregistrement d’Are We There Yet? s’est déroulé dans une ambiance ultra positive et sous un rythme de travail fluide que rien n’est venu perturber.
Romain Descampes: Après Colours, nous avons investi dans notre studio et monté notre propre structure indépendante. On savait qu’on prenait des risques. Le format EP était une bonne manière de nous lancer dans cette nouvelle dynamique et d’essuyer les plâtres.
Matthew Irons: Les premiers concerts sold-out à l’Ancienne Belgique nous ont rassurés. Mais ce qui nous a vraiment marqués, c’est
la release party plus intime que nous avons donnée à la Ferme du Biéreau, à Louvain-la-Neuve, à la sortie de l’EP. Le public, très jeune, connaissait toutes les paroles des chansons de Radio Kitchen et semblait un peu perdu quand on jouait nos anciens morceaux. On se rendait compte que nous touchions un nouveau public.

 

Puggy
L’EP Radio Kitchen a marqué le début de notre indépendance artistique,
il nous a permis de toucher  un autre public.


Vous aviez des dizaines de chansons en stock. Selon quels critères avez-vous sélectionné les douze titres qui forment Are We There Yet?
MI: Il n’y a pas de critère précis. En réalité, ce n’étaient pas des dizaines de chansons, mais des dizaines d’idées de chansons. Si on commence à s’ennuyer en retravaillant un refrain ou une ligne de piano, on laisse tomber. Par contre, si on sent qu’il se passe quelque chose d’intéressant avec le morceau, nous allons jusqu’au bout. Dans une maison de disques ou un label, tu entends souvent la phrase « je ne sais pas si cette chanson me plaît mais elle plaira à votre public ». Ce genre de garde-fous peut freiner ta créativité. Avec Are We There Yet?, nous étions plutôt dans la démarche inverse. Il fallait que les morceaux nous touchent personnellement.

Vu comme ça, des titres comme What’s Wrong With You, Buying Time ou Waiting To Lose It se démarquent considérablement de ce que vous proposiez sur vos albums précédents. Une volonté de vous éloigner de votre étiquette pop mainstream?
RD: Nous restons un groupe pop mais il y avait effectivement une volonté d’aller plus vers l’indie ou des sons électro avec ce cinquième disque. Là encore, l’expérience de l’EP Radio Kitchen s’est avérée concluante. On sait qu’on peut utiliser ce format pour proposer trois ou quatre chansons homogènes. Mais avec un album qui compte douze titres, on s’autorise des choses différentes, plus audacieuses. J’essaye de trouver des explications rationnelles pour répondre à la question mais, sur le moment, tout ce processus nous a paru très intuitif. Par exemple, The Way We Though It Was nous a tout de suite paru avoir un énorme potentiel comme single. On a voulu aller jusqu’au bout pour en faire non seulement un single, mais aussi une grande chanson pop.
Sur Waiting To Lose It, typiquement un morceau “d’album”, on s’est juste fait plaisir en ne se mettant aucune barrière. Et en live, je suis sûr qu’il va très bien fonctionner.

Vous êtes producteurs. Pourquoi avoir cassé votre tirelire pour bénéficier de talents extérieurs?
RD: Ziggy et moi, nous produisons pas mal d’artistes, ce qui nous a permis de constituer un large réseau de contacts. C’est très sain comme démarche. Quand on bloque sur une chanson, on envoie les pistes à des gens dont on admire le travail et on attend leur réaction. Pas besoin de rencontre physique ou de demande spécifique. Une opinion, c’est déjà très bien. Parfois, on reçoit une réponse deux jours plus tard avec le morceau qui a été retravaillé « avec 5% d’émotions en plus ». Parfois on n’a aucun retour. Là où on a fait des folies, c’est sur le mixage de certains titres. Comme on réalise des économies en travaillant dans notre propre studio, on a pu se permettre ce genre de dépenses.
MI: On avait contacté Nathan Phillips avant que son travail sur l’album This Wasn’t Meant For You Anyway de Lola Young ne soit salué un peu partout. On pensait qu’il allait décliner ou faire monter les enchères mais il a répondu tout de suite. On a aussi fait appel au Californien Mitch McCarthy, qui a bossé avec Chappell Roan et Olivia Rodrigo. Ce qui est intéressant dans ce genre de sollicitations, c’est que ces producteurs et/ou mixeurs ont une autre perception de Puggy… ou peut-être aucune. Il n’y a pas l’a priori sur notre passé ou notre statut en Belgique et en France.

Après Yseult sur Lost Child qui figurait sur l’EP Radio Kitchen, vous invitez Maëlle, qui apporte du sang neuf et des mots en français dans votre univers. Comptez-vous persévérer dans cette ouverture?
RD: Nous sommes plus connus en France et en Belgique francophone qu’en Flandre ou dans le reste du monde. Ce sont deux marchés importants. Nous sommes incapables d’écrire en français mais on connaît Yseult et Maëlle. Elles sont hyper talentueuses. Ces collaborations sont ponctuelles mais symboliques car on peut réunir nos racines anglo-saxonnes et la langue française dans une même chanson. On n’a pas le réseau pour tenter une telle ouverture avec un artiste espagnol ou allemand. Il y a aussi une différence de génération et d’univers. Ça ne fait qu’enrichir la composition de base.

Après la sortie de l’EP Radio Kitchen, vous vous êtes séparés de votre manager Nicolas Renard qui s’occupe aussi d’Angèle et Clara Luciani. Vous n’aviez plus la même vision?
MI: Plus qu’une séparation, c’est un passage de flambeau avec notre nouveau manager Adrien Vervekken. Nicolas et Adrien ont travaillé ensemble sur Puggy pendant trois mois. Tout s’est fait naturellement, à l’amiable. Les deux parties sentaient que c’était le bon moment. Nicolas est très pris par Angèle et Clara Luciani. Pour l’album, le concert de Forest National du 28 novembre et ce qui nous attend en 2026, nous avions besoin de quelqu’un qui puisse se consacrer à temps plein au groupe.

Avant de repartir sur les routes, une dernière question : quel est selon-vous le moment où tout a basculé pour Puggy?
MI: Le tournant, c’est Something You Might Like en 2010. Cet album a défini le son Puggy. Quand les gens parlent de Puggy, ils pensent à Something You Might Like. C’est bizarre, parce qu’on a toujours essayé de s’en détacher car on n’aime pas se répéter. Mais c’est une référence indéniable.
RD: L’autre moment clé, c’est Radio Kitchen. Il marque le début de notre indépendance artistique et, comme l’a expliqué Matthew, il nous a permis de toucher un autre public.


Puggy
Are We There Yet!
Autoproduction