Gros Cœur
Échappée au long cours dans les eaux agitées du rock psychédélique, Vague Scélérate voit Gros Cœur voguer à contre-courant des délais impartis par la routine algorithmique. Téméraire, le nouvel album du quatuor liégeois étend ses idées tentaculaires à travers cinq morceaux sans frontières. Hissez haut !
Partis de Liège avec l’envie de voyager sur la carte des musiques psychédéliques, les quatre baroudeurs de Gros Cœur se sont mis en route à l’automne 2023 avec Gros Disque. Échafaudé dans un français fantasmagorique, ce premier album traçait son itinéraire à la jonction du rock anatolien, du blues touareg, de la cumbia, de coups d’accélérateur stoner et de riffs hallucinogènes, testés et approuvés du Japon de Kikagaku Moyo à l’Australie de King Gizzard and the Lizard Wizard.
Après 150 concerts et quelques escales remarquées à l’affiche de festivals européens (Left of the Dial, Levitation, Roadburn Festival), le quatuor met aujourd’hui le cap sur un deuxième essai intitulé Vague Scélérate. « Sur ce disque, nous amplifions les idées développées à nos débuts, indique Jimmy Geers, guitariste, percussionniste et voix du “gros chœur”. L’album précédent était une photographie de l’instant. À force de le jouer sur scène, nous avons pris conscience de nos forces. Le nouveau est donc plus maîtrisé que le premier. »
En pleine tournée, le quatuor trouve refuge sous le toit d’une maison de campagne campée du côté de Soumagne. C’est là, sur les hauteurs du Pays de Herve, que Gros Cœur élabore les maquettes des cinq morceaux qui déferlent à présent au casting de Vague Scélérate. Enregistré en compagnie de Laurent Eyen (La Jungle, It It Anita), mixé aux côtés de Remy Lebbos (Sofiane Pamart, Nicolas Michaux) et produit par Adrien Chapelle, le guitariste et chanteur de Gros Cœur, cet album affirme ses intentions au détour d’un titre pêché en haute mer. « On cherchait à rassembler nos morceaux autour d’un concept marin, confie le batteur Alexandre De Bueger. Notre musique évoquait un côté houleux, des mouvements ondulatoires, un raz-de-marée, etc. À force de chercher, nous sommes tombés sur cette observation scientifique… » Dans le grand syllabus d’océanographie, le terme “vague scélérate” existe bel et bien : il décrit un phénomène qui transforme la quiétude des océans en une fraction deseconde. D’un coup, la vague en question s’élève à des altitudes vertigineuses. Dans la mémoire collective, une estampe comme La Grande Vague de Kanagawa donne une petite idée de cette manifestation naturelle…
Poutine ignoble, instant divin
Là où les chants étaient autrefois planqués dans un brouillard de distorsion, les matelots de Gros Cœur osent cette fois hisser les voix au grand vent. « Nos paroles sont plus lisibles et articulées que jamais, confirme Adrien Chapelle. C’est drôle, parce que nous sortons l’album avec le soutien du label espagnol Spinda Records (Las Nubes, Fin del Mundo, – ndlr) et de la structure anglaise Stolen Body Records (Slift, Fumaça Preta, Go!Zilla, – ndlr). Ce sont des gens qui ne comprennent pas forcément le français. Ça veut dire que leur attention se focalise d’abord sur la musique et ça, c’est plutôt cool. »
Parfois, la démarche de Gros Cœur évoque aussi le Québec et les initia-tives indie rock scandées le long des berges du Saint-Laurent (Corridor, Chocolat). L’un des morceaux de Vague Scélérate s’appelle d’ailleurs Montréal. « Nous l’avons écrit là-bas, en mangeant la pire poutine de l’histoire de la gastronomie locale, raconte le batteur. La chanson colporte les souvenirs d’une tournée au Canada sur une musique inspirée par le rock psyché-délique turc. »
Dans son nouvel album, Gros Cœur joue volontiers la carte de l’introspection. « Nos morceaux évoquent l’humain à travers ses angoisses, ses espoirs et sa relation aux autres. La chanson La Vague, par exemple, parle d’un tempérament comme le mien, un peu extrême et émotif, explique Adrien Chapelle. Il m’arrive de glisser soudainement d’un instant de pure harmonie à un état de nervosité irrationnel. L’analogie de la vague prend ici tout son sens… » Les paroles, souvent métaphoriques, sont écrites à huit mains.« Elles sont le reflet des quatre personnalités qui com-posent le groupe, assure le chanteur. J’ai besoin des autres pour écrire. Je ne suis pas Jim Morrison. » Peut-être pas. N’empêche, pour ouvrir les portes de la perception, Gros Cœur apparaît comme une excellente solution.
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GROS COEUR - CONTRE-CORPS (Official Video)