Toujours plus de titres disponibles…
Chaque jour, quelques 120.000 nouveaux titres débarquent sur les plateformes de streaming. Cette surproduction sonore, impossible à absorber humainement, bouscule les artistes émergents tout en obligeant les prescripteurs à s’imposer des filtres dans leur travail pour ne pas être noyés. Privilégiant la quantité à la qualité, les géants du streaming ne sont pourtant pas les seuls responsables de cette surproduction musicale qui, paradoxalement, favorise l’uniformisation des contenus bien plus que leur diversité.
« Aujourd’hui, un million de titres sortent par semaine sur l’ensemble des plateformes de streaming », constatait Laurent Garnier dans une interview accordée en juin dernier au magazine Rolling Stone. Pour construire la playlist de [DEEP]Search, son podcast de découvertes disponible sur YouTube et sur l’onglet Fip de radiofrance.fr, l’influent pionnier de la french touch s’impose une écoute quotidienne de deux à trois heures de nouveautés. « J’aime cette gymnastique. Je crois humblement qu’on a besoin plus que jamais de ceux qui passent du temps à essayer de faire une sorte de sélection en explorant le plus loin possible. Mais ça devient de plus en plus compliqué. Avant, je dénichais 40 à 50 titres intéressants sur les plateformes grand public. Aujourd’hui, je n’en retiens que 4 ou 5 dans une marée de merdes, de redondances et d’intelligence artificielle. Mais bon, le jeu en vaut toujours la chandelle. »
Trop de musique ou beaucoup de musique?
En quelques phrases, le DJ et producteur électro résume le ressenti de tout amateur de musique. Fan, mélomane, simple curieux, programmateur radio, agent, directeur artistique ou journaliste : nous sommes toutes et tous confronté·es à cette déferlante quotidienne. Chaque jour, quelques 120.000 nouvelles chansons viennent gonfler les catalogues de plateformes de streaming. Le site spécialisé Music Business Worldwide avait déjà fait le calcul en 2023 (dernières statistiques disponibles sur une période de douze mois). Soit 10,08 millions de nouveaux titres sur Spotify au premier trimestre, pour un total de 43 millions en fin d’année. Une autre estimation, signée Luminate Data, une plateforme internationale d’analyse les datas musicales, donne le vertige. En supposant qu’une chanson dure, en moyenne, trois minutes, il faudrait 571 ans pour écouter l’intégralité du catalogue actuel du service de streaming Apple Music. « Et encore, sans faire la moindre pause dans son écoute », souligne très sérieusement l’étude. Bonne chance… Personne ne peut et ne veut le faire.
Didier Stiers – journaliste
L’artiste qui a envie de s’exprimer y arrivera toujours
d’une manière ou d'une autre.
Alors, y a-t-il “trop” de musique en 2025 ou tout simplement “beaucoup” de musique? Bien plus qu’un débat économique, c’est notre rapport à l’art et à la culture qui est en jeu. « Cette question, je me la pose régulièrement », déclare Didier Stiers, sans aucun doute l’une des plumes les plus affutées de notre paysage médiatique musical francophone. « Honnêtement, j’ai du mal à trancher. Il y a effectivement beaucoup de contenus disponibles. Mais n’était-ce pas déjà le cas, avec les disques, les livres ou les films dans les années 70? Est-ce une raison de freiner la création? Je ne le crois pas. À l’époque, il fallait sortir de chez soi pour accéder à ces objets culturels et ceux-ci n’étaient pas tous disponibles chez le disquaire, le libraire ou au cinéma du coin. En 2025, dès qu’on est connecté à Internet, on est confronté à ce flux gigantesque. L’autre différence, c’est qu’aujourd’hui, tout le monde peut mettre un titre musical à disposition et quasi sans coût. Il ne faut pas être musicien, avoir du talent, être signé par un label ou une major. La création de musique comme son accès se sont démocratisés. Et personne ne va dire que c’est une mauvaise chose. La croissance de la production musicale me semble donc inéluctable. »
Deux oreilles et beaucoup de filtres
Face à cette offre dantesque, difficile de s’y retrouver. D’autant que les plateformes de streaming, YouTube et TikTok, privilégient la quantité à la qualité et le formatage mainstream à l’émergence. Journaliste au Soir et à Larsen, Didier Stiers a vu son travail de défricheur évoluer avec ces nouveaux outils. Mais fondamentalement, c’est "l’oreille" qui le guide toujours, comme à l’époque où il écoutait religieusement les découvertes rock de Jacques “Pompon” de Pierpont dans Rock à Gogo sur la RTBF. « Laurent Garnier fait le même taf que Pompon. C’est un prescripteur. J’aime cette idée de “guider” mes lecteurs. Les sources où puiser ont changé mais la démarche reste la même. Personnellement, je ne suis pas trop fan de Spotify. Je découvre beaucoup de musiques émergentes grâce à YouTube et via les liens d’écoute que je reçois dans ma boîte mail. J’ai la chance de ne pas devoir tout écouter pour mon boulot. Je suis spécialisé en rock indie. Même si c’est une niche, la production est énorme. En fait, c’est comme une pompe que tu amorces. Plus t’écris sur un genre bien précis, plus tu reçois des contenus assimilés à cette étiquette. Ça vient de partout : Wallonie, Flandre, monde entier, majors, labels, structures de promotion indépendantes, bookeurs et, de plus en plus souvent, des artistes eux-mêmes. Mais je ne me sens pas particulièrement étouffé. Il y a des choses redondantes, certes, d’autres encore peu abouties. Mais ça ne veut pas dire que c’est forcément inintéressant. Quand tu te passionnes pour les artistes émergents, tu es logiquement confronté à des propositions “jeunes” qui doivent mûrir. C’est du “work in progress”. Si une chanson prometteuse attire mon oreille, j’aime prolonger la découverte en live. Pour moi, c’est sur scène qu’on fait le tri entre un projet fake et un talent potentiel. Il n’y a pas de filet, pas d’algorithme, pas d’IA, pas de triche. »
On produit aussi beaucoup en FWB
Sur LN Radio (groupe IPM), on ne fait ni dans le rock indie, ni dans le rap pointu. Diffusée du lundi au vendredi et animée par Denis Lagasse, l’émission L’Heure Belge, qui comme son nom le laisse supposer dure soixante minutes, est consacrée exclusivement à des artistes émergents de la Fédération Wallonie-Bruxelles, dans des registres pop, électro/pop, chanson… et plus si affinités. « Chez nous, la Semaine de la Musique Belge, c’est toute l’année, s’enthousiasme Olivier Faran, directeur de la programmation. Comme programmateur, j’ai toujours été confronté à une offre pléthorique de productions locales. Mais durant la pandémie, tout a explosé. Confinés à la maison, et donc dans leur home studio, les artistes belges ont multiplié les contenus : nouvelles chansons, versions acoustiques de leur répertoire, reprises. L’Heure Belge est née dans le but de relayer ces nouveautés. Le volume de ces nouvelles productions belges, qui correspondant à notre ligne éditoriale, est élevé mais pas excessif. Il nous permet de rester sélectifs tout en assurant une programmation riche. »
Créer pour exister
Soumis au diktat des algorithmes des playlists ou sommés par leur management de publier sans relâche des contenus sur les réseaux sociaux, les artistes sont autant sollicités qu’ils sollicitent leur public. Au point de risquer parfois la saturation. L’époque où on mettait deux ans à écrire et enregistrer un album, un an à le promouvoir en live avant de passer au suivant est désormais révolue. Il faut produire et produire encore. Mais est-ce que la qualité suit ? Denis Lagasse et Olivier Faran s’empressent de nuancer. « Le terme “qualité” est subjectif. Chacun l’interprète à sa manière et c’est tant mieux. Comme on diffuse en radio, on exige un bon niveau technique de production. La chanson doit aussi correspondre à notre cible d’audience. On s’adresse au grand public. Donc les formats, les textes et les sonorités doivent rester accessibles. On n’est pas trop réceptif, par exemple, à ces featurings créés pour des raisons de marketing, où un chanteur wallon va interpréter deux phrases dans une production française ou flamande. »
Maxime Lhussier – Odessa Maison d’artistes
Cette production intensive de contenus,
c’est aussi un terrain de jeu créatif.
Pour la jeune génération, c’est même très amusant.
Ils évoquent, sans la nommer, le cas d’une jeune interprète francophone dont les morceaux étaient trop marqués par l’intelligence artificielle. « On a eu des doutes sur le projet, ça sentait le fake. Une bonne chanson, on peut la diffuser. Mais pour inviter un artiste cinq jours de suite dans notre émission, il en faut davantage. L’auteur doit avoir aussi des choses à dire, une histoire à raconter, des visuels attractifs – nos interviews et captations sont filmées – et être à l’aise dans l’exercice de l’interview. Certains ne maîtrisent pas encore tous ces aspects du métier. » Autre paradoxe, également souligné par Didier Stiers: les labels, attaché·es de presse et managers ne mettent plus forcément en avant les qualités musicales. « Pour nous convaincre, ils commencent toujours par citer des chiffres et des statistiques, comme si leur artiste était un joueur de basket. “Tu sais, il a fait autant de vues sur YouTube avec son dernier clip et il a autant d’abonnés sur Instagram”. Indirectement, ça nous influence aussi. On ne va pas mentir. Car on espère, bien sûr, que l’artiste joue le jeu et relaye sa présence dans L’Heure Belge auprès de sa communauté. »
Artiste à 360°
Interviewée dans Larsen au printemps dernier, Helena résumait le métier de chanteuse en 2025 : « C’est 10% faire de la musique et 90% faire d’autres choses, plein d’autres choses ». Maxime Lhussier confirme. Musicien et compositeur hyperactif au sein de Pale Grey, Dan San et de son projet solo Danube, il est aussi à la tête d’Odessa, “Maison d’artistes”. Cette structure à 360° est opérationnelle dans le management (Benni, Glauque), l’accompagnement d’artistes et le booking. « Écrire une bonne chanson, même deux ou trois très bonnes chansons, ne suffit plus. Avant de signer un projet émergent, je rappelle toujours à l’artiste qu’il doit être prêt pour un marathon. Nous sommes à une période charnière de l’histoire de la musique. Les repères ont changé, les codes aussi. On n’est plus dans les années 90 ou même 2010. Il ne faut pas pleurer, il faut regarder devant soi. Les vérités d’hier ne seront pas celles de demain, notamment avec l’intelligence artificielle. On ne peut pas aller contre ça, autant s’adapter tout en sachant que ce n’est pas une science exacte. “L’humain” a encore toute son importance. En tant que musicien ou avec ma casquette Odessa, le challenge me séduit. Je trouve que ça a toujours du sens d’accompagner un projet et d’essayer de l’amener au sommet de la montagne. »
Une époque pressée
La surproduction de contenus ne s’explique pas seulement par la démocratisation du “home studio”. Elle reflète aussi nos nouvelles habitudes sociétales de consommation rapide. Il y a de nouvelles attentes. Et vu comme ça, le secteur musical a ses propres spécificités. Spotify n’est pas Netflix. Contrairement aux séries qu’on “binge-watch” en un week-end, les albums sont rarement écoutés dans leur intégralité. Un stream (soit une écoute comptabilisée d’une chanson) sur Spotify ne traduit pas nécessairement une démarche volontaire ou réfléchie. On peut entendre sans écouter. Quelques secondes seulement suffisent pour faire grimper le compteur. Et parfois ce sont des robots qui dopent artificiellement la visibilité des titres afin d’influencer les algorithmes. Ce n’est pas parce que H&M s’abonne à une playlist Discover que les clients de la chaîne de prêt-à-porter vont tendre l’oreille lorsqu’ils patientent devant les caisses. Idem pour les playlists des musiques proposées de nuit ou aux petites heures matinales par des radios qui sont plus un fond sonore passif qu’une invitation à découvrir. C’est bien pour les quotas mais “so what” ? Et, comme vous, il nous arrive régulièrement de télécharger sur notre smartphone des albums entiers ou des “découvertes belges super cool” que nous n’aurons jamais le temps d’approfondir. Bref, c’est souvent une loterie.
« Cette recherche permanente de nouveauté devient presque maladive et peut devenir contre-productive si on s’y prend mal, admet Maxime Lhussier. Il faut s’y plier en trouvant le bon équilibre. Pour un artiste émergent, c’est l’un des exercices les plus délicats. Historiquement, la sortie d’un album marquait le début d’un cycle : promo, interviews, radio, concerts. Aujourd’hui, elle symbolise plutôt une demi-ligne d’arrivée. La radio a perdu de son impact au profit de TikTok. Les concerts, eux, sont devenus essentiels : le live reste le seul secteur musical qui rapporte encore un peu. Mais pour espérer en vivre, même modestement, il faut d’abord bâtir sa communauté, assurer sa visibilité et imposer son identité. Et tout cela passe par une forte productivité de contenus. On n’y échappe pas. »
La Brabançonne Charles s’est posée ce genre de questions après son premier album Until We Meet Again en 2002. « J’attirais beaucoup de monde aux concerts mais ma maison de disques et moi avions été déçues des chiffres de streaming. J’écris naturellement mes textes en anglais. Mon label m’a suggéré d’essayer le français. Pour mon nouvel EP Sabotage, on a donc décidé d’enregistrer cinq titres en français et cinq versions en anglais. Ce n’était pas du simple copié/collé et de la traduction littérale. Sabotage n’est sorti qu’en digital. C’est un des avantages des plateformes : tu peux essayer des choses et voir directement comment le public réagit. Le but n’était pas d’avoir deux versions de chaque titre pour gonfler quantitativement ma production. Mais ça m’a permis de voir comment le public réagissait. Je me suis rendue compte que ma communauté ne faisait pas la différence. Quelque part ça m’a rassurée. Je me dis que mon projet reste cohérent. À Rock Werchter, j’ai chanté des titres en français et en anglais alors qu’il y avait une majorité de Flamands sous le chapiteau The Barn. Les retours ont été super positifs. Maintenant, je ne me tracasse pas avec ça. Je continuerai à écrire comme je le sens, dans les deux langues. Pour moi, l’expérience de cette double production atypique de Sabotage est donc concluante. Elle me permet d’avancer dans mon projet. »
Teaser sans lasser
Tout en évitant d’utiliser le terme “surproduction”, Maxime Lhussier évoque un nouveau “business model” impliquant non seulement une augmentation des contenus mais aussi leur fréquence. « En fait, on essaye d’étirer ce “momentum” que représente un album ou un concert release en créant plusieurs semaines à l’avance une succession de moments forts : des singles, un clip, une version acoustique, un storytelling, un extrait sonore énigmatique, un “home movie” avec une répétition… Ça implique effectivement davantage de production musicale dans des formats divers. Mais la démarche est réfléchie. L’idée est d’élargir progressivement le cercle sans lasser. On a appliqué cette stratégie pour Human Drift, le dernier album de TUKAN sorti en février dernier. Et ce travail en amont a payé. Le concert de release à l’Ancienne Belgique a été complet. À partir de là, on a réussi à créer quelque chose de plus large, bien au-delà de la sphère des gens qui écoutent ce style de musique. Cet été, TUKAN a attiré plein de curieux dans les festivals. Sans cette production intensive de contenus, nous n’y serions pas arrivés. Mais c’est aussi un terrain de jeu créatif. Pour la jeune génération, qui maîtrise les nouveaux outils numériques, c’est même très amusant. Dans le rock indie, les artistes plus âgés peinent encore à s’adapter aux formats courts de TikTok. Mais sans TikTok, il est impossible de construire quoi que ce soit. Certains n’ont même pas de compte Instagram et se débrouillent à peine sur Facebook, réseau totalement délaissé par les jeunes. Pareil pour les plateformes de streaming. Elles font encore trop peur aux puristes de la musique. Mais essayer de comprendre comment les algorithmes fonctionnent, c’est une manière de s’en faire des amis. Personnellement, Spotify est devenu ma boussole. J’y découvre beaucoup d’artistes émergents. Mais j’ai appris comment et où les trouver. »
Le bon timing
Pour les médias qui servent de relais entre l’artiste et le public, le problème du timing est, par contre, devenu un casse-tête. Plus délicat que jamais à gérer. « L’espace éditorial consacré à la culture dans la presse écrite se réduit considérablement, poursuit Didier Stiers. Si on propose une interview d’un artiste coup de cœur de la Fédération au moment où il publie son EP, on ne fera peut-être rien sur lui quand il sortira son album quatre mois plus tard. Ce n’est pas par manque d’intérêt ou de qualité, c’est parce qu’en réunion de rédaction, en fonction de l’espace éditorial dont la rubrique musicale dispose, on aimera peut-être défendre un autre projet musical. Nous avons eu le cas avec Catherine Graindorge. Nous avions consacré un gros article sur la violoniste belge à la parution de son album Eldorado. Quelques moins plus tard, elle a fait l’événement avec The Dictator, son EP avec Iggy Pop. J’ai dû beaucoup débattre avec mes chefs de service qui me disaient : “On en a déjà parlé, tu n’as pas autre chose ?” Mais j’ai réussi à les persuader. Faute de place, on thésaurise aussi des interviews qu’on essaye d’exploiter plus tard à l’occasion d’un concert ou d’un festival. Mais là aussi, ça ne plaît pas toujours. Avant de nous demander si l’interview s’est bien déroulée, la première question de l’attaché de presse c’est “tu publies quand ton papier ?” »
Denis Lagasse et Olivier Faran de LN Radio citent une autre anecdote révélatrice. « Parfois, c’est plus compliqué de dire non à des artistes qu’on soutient qu’à ceux qui ne sont clairement pas pour nous, explique Olivier Faran. On avait invité Dan San dans l’émission L’Heure Belge pour la parution de leur album Grand Salon en 2023. Moins d’un an plus tard, ils sont revenus avec un disque qui s’appelait La Suite, une sorte de prolongation de Grand Salon. Nous croulions alors sous les propositions. Denis a appelé le chanteur de Dan San pour lui expliquer pourquoi nous n’allions pas réinviter le groupe. Il a compris. » Ce feedback devient très rare dans le métier. Pas par manque de respect ou d’intérêt. « C’est plutôt une faute de temps, reprend Didier Stiers. On ne peut pas motiver tous les refus. Parfois, on reçoit un nouveau mail, poli mais insistant, de l’artiste ou de son management qui se demande pourquoi on n’est pas intéressé. C’est délicat, parfois triste… »
Chacun dans sa bulle
Face à cette surabondance de contenus, choisir revient forcément à renoncer. Démuni, dépassé, voire même oppressé par cette masse de titres disponibles, l’utilisateur s’en remet aux playlists thématiques, aux recommandations soi-disant “personnalisées” ou aux algorithmes qui le guident dans un seul but : l’abonné·e doit rester sur la plateforme. Pas question donc de le bousculer dans sa zone de confort. Même avec des millions de chansons à portée de clic, l’abonné·e reste enfermé·e dans sa bulle musicale.
Maxime Lhussier – Odessa Maison d’artistes
Les repères ont changé, les codes aussi.
Il ne faut pas pleurer, il faut s’adapter.
« C’est vrai, acquiesce Didier Stiers. En pop urbaine, c’est même flagrant. Dès qu’un artiste hip-hop francophone buzze, une dizaine d’autres apparaissent dans les radars avec des contenus similaires. On tend vers une uniformisation de la production musicale et celle-ci a une durée de vie de plus en plus courte. Un contenu chasse l’autre, un buzz fait disparaître le précédent. Mais c’est peut-être ce que le public souhaite. Dans la scène indie, plein de groupes émergents me passionnent. Derrière l’étiquette fourre-tout “post-rock”, il y a des dizaines de groupes belges qui partagent une même énergie, une même attitude, et attirent la même communauté dans les mêmes salles ou festivals. À première vue, ils se ressemblent tous et s’inspirent même de leurs aînés. Mais en écoutant les paroles, en les découvrant en interview, on réalise qu’ils ont chacun leur personnalité. »
Rester optimiste
Et le passionné Didier Stiers de conclure : « Il ne faut pas tout voir en noir. La scène musicale belge ne s’est jamais aussi bien portée. Il y a des grosses machines comme Damso, Helena, Lost Frequencies, Hamza à qui on consacre bien sûr l’espace éditorial nécessaire. Mais il y a aussi des tas d’artistes a priori “moins” bankables qui sont soutenus dans les médias. Et ce qui est bien, c’est que Tipik ne va pas défendre les mêmes choses que Classic 21 et que Le Soir mettra d’autres artistes émergents en lumière que Moustique. Finalement, cette profusion musicale est une richesse. À chacun de creuser et de juger la pertinence d’un projet. L’artiste qui a envie de s’exprimer y arrivera toujours d’une manière ou d’une autre. »