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Le magazine de l’actualité musicale en Fédération Wallonie - Bruxelles
par le Conseil de la Musique

Volta

Le facilitateur bruxellois

Julien Broquet

Depuis octobre 2024, à Molenbeek-Saint-Jean, le Volta revit sur l’ancien site historique de Delhaize. Visite guidée d’un lieu unique qui défend le développement musical de Bruxelles et soutient ses jeunes artistes.

Des bâtiments gigantesques. Une barrière d’accès. Et même un parking aérien. En arrivant à destination on penserait presque s’être trompé d’adresse. Situé dans le quartier d’Osseghem, le nouveau Volta a ouvert il y a quelques mois sur l’ancien site historique de Delhaize à Molenbeek-Saint-Jean. En ce lundi après-midi, tandis que des musiciens flamands font la causette en terrasse, Orlane, jeune chanteuse originaire de Philippeville et qui vient de terminer à Bruxelles ses études de médecine, bosse avec son groupe en studio. Les lieux sont tellement imposants qu’un type aux cheveux blonds peroxydés se promène en trottinette à l’intérieur.


Arne Huysmans - fondateur du Volta
Je suis Bruxellois moi-même et j’ai vite réalisé
que faire de la musique dans cette ville était compliqué.


Arne Huysmans est le fondateur du Volta. Il en assure la coordination générale. Ce qui ne veut évidemment rien dire. « Au Volta, on touche à tout. Quand tu gères un lieu, a fortiori un lieu comme celui-ci, il y a toujours beaucoup de travail et nous ne sommes qu’une petite équipe. Je m’occupe donc de la programmation mais aussi de la maintenance. Pour le moment, je termine d’aménager un nouveau studio. Tout ce que tu vois ici, on l’a fabriqué nous-mêmes. À la base, c’était juste un immense hangar dans lequel était entreposé du vin. Avec Volta, j’ai appris beaucoup de la culture mais aussi énormément de la construction. »

En 2018, c’est à Ixelles, rue Volta, que tout a commencé. Étudiant en jazz au Conservatoire, Arne squatte un bâtiment avec cinq musiciens et y organise une fois par mois des concerts gratuits ou à des prix très démocratiques. « On programmait des groupes qui, selon nous, avaient besoin d’une plateforme et de visibilité et on a rapidement rencontré de plus en plus de succès. On a commencé avec Juicy. Les musiciens bruxellois avaient besoin de ce genre d’endroit. Un lieu où expérimenter et montrer des choses à un public curieux dans un meilleur contexte que des cafés. Je suis Bruxellois moi-même et j’ai vite réalisé que faire de la musique dans cette ville était compliqué. Dès que tu répètes, ça embête les voisins et le quartier. »

Quand ses camarades sont partis étudier à l’étranger, Arne a transformé toutes les chambres en salles de répétition et a aménagé un petit lieu de concerts, avec un backstage, une cuisine et un bureau. « On a accueilli des gens comme Ulysse, Robbing Millions, DC Salas, Whispering Sons, Brihang et Lous and the Yakuza. 
Angèle aussi pendant trois mois… Des francophones et des néerlandophones. Mélangé quoi… Comme Bruxelles. Le propriétaire des lieux s’en est rendu compte via Facebook ou Instagram. Il m’a appelé et m’a dit : tu as quinze jours pour t’en aller. »

Arne et le Volta ont rebondi à Anderlecht, près de la gare du Midi, où ils sont restés pendant cinq ans. Passant des joies du squat à celles de l’asbl. De quatre à dix, puis quatorze salles de répète. 
À Molenbeek, le complexe possède aujourd’hui pas moins de vingt studios répondant à divers besoins et exigences. Une salle de concerts de 300 places et le bar super sympa qui va avec. Sur ses murs trônent des vinyles dans lesquels le Volta est impliqué.

Les lieux ont ouvert en octobre après neuf mois de travaux (« le temps d’une grossesse ») et un investissement de 435.000 euros (un subside de 325.000 euros et un apport de Volta lui-même de 110.000 euros). « C’est dur de trouver un endroit où s’installer à Bruxelles et c’est cher. On a cherché pendant des années. Faut repérer. Être aux aguets. Parler avec beaucoup de gens. Ici, c’est le politique qui nous l’a proposé. Les questions qu’il faut se poser ? Un peu les mêmes que quand tu achètes une maison. Est-ce que les lieux sont facilement accessibles en transports en commun (la station de métro Beekkant est à deux minutes à pied) ? De quelle qualité est le bâtiment ? Est-ce qu’il est bien isolé ? Qu’est-ce qui est déjà installé ? »

Pour le coup, il n’y avait rien. Juste un grand espace d’environ 3.000 mètres carrés. « On a créé de la lumière. Ouvert sur l’extérieur avec des baies vitrées. Le plafond est haut et ça coûte évidemment très cher de fabriquer des studios du sol jusqu’au toit. On a donc construit des boxes. Des boîtes dans la boîte. Puis les studios sont modulaires. On pourra les récupérer quand on viendra à déménager. L’occupation est temporaire mais on sait qu’on est là pour quelques années. »

Certains espaces sont encore en travaux. Une deuxième salle de concerts, notamment, dont ils ne connaîtront la capacité qu’après le passage des pompiers. « Au Volta, on fonctionne avec différentes formules. Nous avons 103 membres (tarifs ultra démocratiques) qui ont accès à 13 de nos studios. Mais on a aussi des artistes, disons “maisons”, qui y ont leurs locaux permanents. Des groupes qui travaillent avec nous depuis un bout de temps comme ECHT!, Jean-Paul Groove ou Lander & Adriaan. On a aussi un studio d’enregistrement. Puis, on en a deux autres, plus grands, qui sont à louer et une petite cabine de production qu’on propose à des collectifs ou des organisations qui en ont besoin. »

Interrogé sur l’explosion de la jeune et moderne scène jazz belge, Lefto insistait il y a quelques mois sur l’importance fondamentale du Volta. « Une grande partie des musiciens qui travaillent au Volta sont issus du Conservatoire de Bruxelles. Avec une grosse influence jazz électronique dance music inspirée par des groupes comme ECHT!, Lander & Adriaan ou TUKAN, reconnaît Arne. Mais de notre côté, on a soutenu des gens comme Stace, Oriana Ikomo, Bianca Steck, Poppy Whispers, Daniël Paul… Beaucoup de trucs plutôt pop. 
À Bruxelles, tu as des communautés dans tous les genres : punk, jazz… Et ici, au Volta, ça se mélange et ça se rencontre. Nous ne créons pas de communautés. Nous sommes des facilitateurs qui permettent aux musiciens de travailler. Quand tu joues dans un groupe comme TUKAN ou ECHT!, ça demande un vrai investissement. Des années de ton énergie et de ton temps. »

Si le Volta est ouvert à tous les styles, il n’en est pas moins exigeant. « On attache beaucoup d’importance au professionnalisme. On veut être là pour les musiciens. Et ce n’est pas parce que tu fais de la musique que tu en es un. Moi je me fais à manger tous les jours mais je ne suis pas cuisinier. Notre mission, c’est de soutenir le développement musical de Bruxelles et du secteur. Parce qu’on parle de gens qui vivent souvent dans des conditions très précaires et qui galèrent tout en bas de l’échelle dans la pyramide de la musique. »

volta.brussels