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Le magazine de l’actualité musicale en Fédération Wallonie - Bruxelles
par le Conseil de la Musique

Neptunian Maximalism

Le Sacre du Soleil Invaincu en 4 disques

Julien Broquet

Passionnant projet à géométrie variable, le groupe bruxellois épingle quatre disques qui ont inspiré son époustouflant nouvel album : Le Sacre du Soleil Invaincu

Kushal Das
Raga Marwa - Surbahar
Ocora
(2004)

Guillaume Cazalet – La musique indienne classique fonctionne avec ce qu’on appelle les ragas. Ce ne sont pas vraiment des chansons. Pas non plus des règles d’improvisation pure. Plutôt entre les deux. Les ragas sont des sortes d’entités qui cumulent à la fois des règles de jeu et des couleurs bien précises qui se rapportent à des divinités, à des moments de la journée ou de l’année. Ce sont comme des espèces de pièces ancrées dans le réel et dans la culture indienne sous plusieurs aspects. Le Raga Marwa a profondément inspiré la première partie de notre album. C’est un raga de fin de journée. De coucher du soleil. Il a un côté très océanique, liquide, humide. La première fois où j’y ai été confronté, c’était avec cet enregistrement-là. Kushal Das a une façon de l’aborder assez moderne et hybride. Un pont direct avec ce qu’on fait. C’était aussi la première fois que j’entendais le surbahar, qui est globalement un sitar basse.


Liturgy
H.A.Q.Q.
(YLYLCYN)
(2019)

Reshma Goolamy – Liturgy nous a pas mal marqués. Par son évolution. Par sa manière d’aborder le son. Sa spiritualité. Ses expérimentations sonores assez radicales souvent. C’est très rouleau compresseur. Un peu dissonant parfois. Sans pose. Comme notre interprétation du raga Todi.
Guillaume Cazalet – On les a vus deux fois au Roadburn en 2022 et ils jouaient cet album. Je savais qu’à un moment, il se glisserait dans nos influences. Il y a une charge émotionnelle forte chez Liturgy sans tomber dans la facilité. Ce n’est pas de l’émo. C’est dans l’esprit beaucoup plus proche du symphonique et du classique. Ce groupe est très inclusif tout en nageant plutôt à contre-courant. Il a quelque chose de très en avance sur son temps. Là où tout le monde fait du metal dans les graves, Liturgy va chercher au plus aigu du manche. Ça donne cet aspect grand jugement dernier avec les trompettes et les violons dans un énorme cataclysme, une grande guerre de fin des temps.


Bong
Mana-Yood-Sushai
Ritual Productions
(2012)

Guillaume Cazalet – Cet album nous habite depuis les débuts du projet et c’est toujours le cas. C’est avant tout une histoire de mood. De musique drone très mystique et paysagiste. Cette dimension est toujours présente chez nous. Leur drone metal invite à penser ou réfléchir mieux. Un peu comme si l’écoute de ces musiques pouvait nous aider à résoudre les problèmes qui impliquent notre raisonnement, notre pensée ou nos émotions. Ce sont des espèces de bains favorables aux déclics. Quand j’étais étudiant aux Beaux-Arts, j’écrivais mon mémoire en écoutant Bong tout le temps. C’est comme s’il me permettait de me concentrer et de comprendre tout ce que je lisais. D’accéder à un état de conscience augmentée. Ce qui reste toujours d’actualité avec Bong aujourd’hui, c’est l’approche musicale, le son. Le drone final très lent. Avec de la batterie un peu dégoupillée. L’approche déclamation prophétique à la voix.


Pauline Oliveros/Stuart Dempster/Panaiotis
Deep Listening
New Albion
(1989)

Reshma Goolamy – Morte en 2016, Pauline Oliveros était une accordéoniste américaine pionnière de la musique minimaliste. Elle a développé toute une théorie sur ce qu’elle qualifiait d’écoute radicalement attentive. Elle appelait à ne pas juste entendre la musique mais à se concentrer pour situer le son dans l’espace. Se situer dans le son et dans l’espace soi-même aussi. Elle a même créé un institut à New York, The Deep Listening Institute.
Son approche m’a profondément marquée. Elle nous a influencés dans notre recherche d’expérience sonore et de sons. Puis dans notre rapport à la musique de manière générale. Pour un petit passage de l’album, on s’est inspiré d’un dreamchord de La Monte Young. On a introduit un court moment minimaliste dans notre set et dans ce disque pour recentrer l’attention. Le minimalisme est aussi quelque part à la base du drone.