Les festivals à l’heure du repositionnement
Ici et là dans le secteur des festivals en Fédération Wallonie-Bruxelles, on s’interroge sur les divers modèles existants. Par ailleurs, des grosses boîtes de prod se tournent pour l’été vers le concert unique, de type “événement”. Qu’est-ce qui marche et qu’est-ce qui ne marche plus ? Que veut aujourd’hui le public ? Qu’est-ce qui ne lui plaît plus ? Qui pense reconversion et qui envisage une réorientation ? Larsen est parti scruter l’horizon.
Partie 1 – Le Cadre
Belgique, terre de festivals ! Oui mais où tout n’est pas rose pour autant… en tout cas, pas pour tout le monde. Le Graspop? Trois jours sur quatre sont “sold out” à l’heure où nous écrivons ces lignes. Même chose du côté de Rock Werchter. Au Pukkelpop, à une quinzaine de semaines du festival, un premier jour est également complet. Et aux Leffingeleuren de septembre, tous les tickets “week-end” sont déjà partis. Rock Herk ? 70% complet, trois mois avant le début des festivités. Et on ne reviendra même pas sur le carton annuel de Tomorrowland, qui affole aux quatre coins de la planète. Au Nord du pays, à vue de nez, le secteur se porte bien. Ce qui tend à confirmer les prévisions sorties d’une étude de PwC (PricewaterhouseCoopers, le réseau britannique d’entreprises spécialisées dans les missions d’audit et d’expertise comptable, – ndlr) : « L’industrie belge de la musique live retrouvera d’ici 2024 ses niveaux d’avant la pandémie ».
Pour les grosses machines, cela semble être le cas. Pourtant, toujours en Flandre, une dizaine de festivals de taille moyenne réduisent la voilure, se mettent en pause (comme le Live Is Live) ou débranchent la prise pour de bon, recense-t-on du côté de la Federatie van Muziekfestivals in Vlaanderen: « Le coronavirus n’a certainement pas rendu service à notre industrie. Mais l’impact durable que nous craignions n’est pas advenu. La plupart des festivals sont restés sur leurs gardes. Si 90% d’entre eux sont des organisations à but non lucratif qui fonctionnent grâce à des bénévoles et ne gagnent rien, les grands acteurs ont bénéficié du soutien des autorités ».
Arnaud de Brye
À Esperanzah, il n’y a peut-être pas les Red Hot Chili Peppers, mais il y a une ambiance qu’on ne retrouve nulle part ailleurs !
De notre côté de la frontière linguistique, le paysage festivalier a lui aussi bougé. Alors qu’en France, selon le bilan de la saison 2023 établi par le Syndicat des Musiques Actuelles, 43% des festivals adhérents ont fait état d’une édition déficitaire. Mais, précise Aurélie Hannedouche, sa directrice : « Les petits festivals au concept singulier, ancrés dans les territoires, peuvent tirer leur épingle du jeu ». Chez nous, ça n’aura pas vraiment été le cas pour le Feel Good Festival à Aywaille, en faillite, Scène-sur-Sambre qui n’est plus (après 13 ans d’existence) et l’Inc’Rock, réduit à un jour en 2024, avant d’annoncer, pour cette année, que tout changerait : des dates au concept en passant même par le nom de l’événement. Quant à l’indispensable Balkan Trafik, il a été annulé cette année… mais on espère pouvoir y revenir en 2026.
Le pourquoi du comment
Explosion des coûts (« Une hausse de plus de 30% depuis le Covid », avance Gino Innocente du côté de Ronquières, dans une interview pour Moustique). Public qui se décide de plus en plus tard avant de mettre la main au porte-monnaie et donc d’acquérir son pass ou son ticket. Concurrence parfois entre certains événements dont les affiches se recoupent. Pauvreté du vivier des artistes susceptibles de faire bouger les foules. Affiche moins en phase avec les attentes ou les goûts du public. Difficulté, voire même impossibilité, d’obtenir des exclusivités. Météo capricieuse entraînant des annulations. Les raisons qui expliquent les soubresauts que vit le secteur sont nombreuses… et se combinent souvent.
Aux Ardentes, “grosse machine wallonne” s’il en est, “sold out” en 2022, on a également fait le point. « Avec l’évolution du festival, nous avons dû repenser notre modèle afin d’éviter une crise de croissance, confiait ainsi Fabrice Lamproye à l’Écho l’an passé. Avant 2019, notre budget était sous la barre des 10 millions d’euros. À présent, nous approchons des 25 millions. Nous ne pouvons plus organiser les choses comme avant. Nous sommes entrés dans une autre dimension. À partir du moment où les enjeux financiers sont de plus en plus importants, il est essentiel de s’entourer des bonnes personnes. Pour Les Ardentes, s’associer avec Fimalac, Back in the Dayz ou avec une personnalité comme Herman Schueremans est une façon d’évoluer. » Cette année, l’évolution semble même encore plus marquée sur les hauteurs de Rocourt : entre les Damso, Kaaris, Niska, Gazo et autre Young Thug, on (dé)note une tête d’affiche appelée… David Guetta. Un petit air de Tomorrowland aux Ardentes ? Jean-Yves Reumont, le programmateur, parle plutôt de renouvellement. Comme il s’en expliquait dans les pages du Soir : « On avait déjà amorcé ce mouvement l’année passée avec DJ Snake. Les Ardentes restent un festival de musiques urbaines mais on est ouvert aux autres tendances qui animent notre public, notamment latines, afro ou électro. L’année passée, on avait clos le festival avec deux DJ et ça avait cartonné. Ça nous a confortés dans l’idée que notre public, qui est majoritairement de la génération Z, avait envie de retrouver ce genre d’artistes aux Ardentes. »
À Esperanzah, la réorientation a été actée en 2024. Après les années Covid et la météo désastreuse de l’année précédente, les organisateurs avaient lancé un appel de fonds auprès de leurs festivaliers, transformés en coopérateurs. Et reconfiguré l’événement lui-même. Cet “Esperanzah nouveau”, c’était dès lors plus de scènes, plus d’endroits, plus de déco et plus de propositions extra-musicales. Le dimanche soir, à l’heure des premiers bilans, Arnaud de Brye, nous disait sa satisfaction : « La réussite, on a pu la voir à la fête sur le site. À l’étonnement. Avant, nous avions deux scènes et le public circulait entre elles. Aujourd’hui, il est partout, réceptif et dégage une énergie qui nous touche particulièrement. » Quant aux chiffres… Du vendredi au dimanche, ce sont 27.200 personnes qui étaient recensées sur le site de l’Abbaye de Floreffe. « Le rêve, c’était 30.000 mais on voit ça, en fait, comme une année d’investissement, estimait le coordinateur. Parce que ce renouveau, nous avons dû le construire sur pas grand-chose en termes de communication.
Là, les gens l’ont vécu et nous espérons qu’ils vont pouvoir en discuter, partager, et que le bouche-à-oreille va s’enclencher. C’est-à-dire que, d’accord, à Esperanzah, il n’y a peut-être pas les Red Hot Chili Peppers, mais il y a une ambiance qu’on ne retrouve nulle part ailleurs ! » Et Arnaud de Brye de conclure : « Nous enchaînons depuis le Covid des années de combat avec, en 2023, un gros déficit. Nous avons dû créer une coopérative, initier un renouveau. Les équipes étaient au four et au moulin depuis un an. Et là, nous sommes portés par la base du festival, qui est très contente du changement, de la manière dont tout ça se fait. Et nous, nous sommes hyper contents du résultat, de l’expérience que nous pouvons proposer, de la singularité de ce qu’Esperanzah offre également. »
Au Bear Rock à Andenne, on semble aussi sortir, tant bien que mal, des affres de la période Covid/post-Covid. L’an dernier, l’édition “habituelle” du festival s’est doublée d’une deuxième affiche, électro/dance, payante celle-là. À l’heure où les grosses boîtes de prod commencent aussi à se tourner vers d’autres modèles que le festival de type “quatre jours/camping/grande prairie”. Voyez les concerts de Neil Young et de Kraftwerk annoncés à Bruxelles, par exemple. Qu’en pensent donc les “petits”, de ce secteur ? « Je peux me tromper, avance Benoît Libert, le programmateur du Bear Rock, mais j’ai l’impression qu’on cherche un peu l’effet Tomorrowland. On est plus dans quelque chose de l’ordre de l’événement où il faut aller, “the place to be” où on va se faire instagrammer, plutôt que dans un festival de musique. C’est notable depuis quelques années. Le festival, l’affiche, les groupes, la musique, oui, mais ce qui compte, c’est tout ce qui peut être attractif autour de tout ça. C’est ce que j’appelle l’effet Tomorrowland… »
Partie 2 – Les modèles
BEAR ROCK – le gratuit
Le Bear Rock aura cette année lieu le vendredi 27 juin, toujours à Andenne bien sûr. Et comme en 2024, le festival se dédoublera le lendemain (28) en version électronique, en accueillant notamment Digitalism et Marco Bailey. Quant à l’affiche rock elle-même, elle renseigne entre autres, excusez du peu, les remuants Tramhaus et les Helvéto-Canadiens de Peter Kernel. Petit état des lieux avec l’un des organisateurs, Benoît Libert.
Comment se porte le festival, après les annulations de 2020, 2021 et 2023 dans la foulée de la pandémie?
Nous essayons de maintenir la gratuité le vendredi. Après, il n’est pas particulièrement facile de proposer une affiche qui attire les gens, ici dans une veine assez alternative, et sans “locomotives variété rock”. Côté finances, nous tentons de survivre, d’y arriver plus ou moins sur les deux jours du festival. C’est compliqué depuis ce qu’on a vécu dès l’après-Covid, avec l’augmentation des coûts à tous les niveaux, aussi bien techniques que des service sono ou du cachet des groupes. Voilà pourquoi l’année dernière, nous avons lancé une version électronique payante, pour tenter de ramener un peu de fonds…
Pas évident, donc?
Ce qui nous aide, ce sont principalement les recettes du bar. Nous avons 15 et 20% de subsides : Fédération Wallonie-Bruxelles, ville, province, etc. Nous tenons également des buvettes aux Fêtes de Wallonie et sur le marché de Noël, pour essayer de faire rentrer un peu d’argent, mais ce n’est jamais beaucoup. Donc effectivement, ce modèle en soi, gratuit, ou quand on n’est plus beaucoup subsidié, va devenir de plus en plus compliqué à perpétuer.
Il fut un temps où le Bear Rock, c’était deux scènes. À un moment, c’est aussi devenu intenable, financièrement parlant?
Il y a eu deux scènes jusqu’en 2022. Mais effectivement, ça voulait dire qu’une partie du budget devait quasiment doubler, pour la sono, l’infrastructure, les cachets… Nous avons donc préféré nous concentrer sur cette version électro, payante, du deuxième jour, en ne maintenant qu’une scène, et le vendredi gratuit.
La “journée” électro, inaugurée l’an dernier, a bien fonctionné?
Nous n’avons pas eu de bol avec la météo. Notre objectif était de 1.000 entrées et nous sommes arrivés à environ 700. Nous n’étions donc pas loin de l’objectif mais c’est franchement le mauvais temps qui a joué en notre défaveur. Nous repartons cette année avec plus ou moins ces mêmes objectifs. Mais le gros changement, c’est que nous couvrons : ça se fera sous un chapiteau transparent, juste un toit en fait, histoire de ne plus se prendre la drache…
Un festival en ville, n’est-ce pas plus “facile”, à certains égards? Le public potentiel est là, à portée de main pour ainsi dire?
On pourrait effectivement le voir comme ça mais les gens, il faut encore les attirer. Et nous avons déjà pu constater que, oui, le public averti connaît les groupes que nous mettons à l’affiche, mais pour le spectateur lambda, “si c’est gratuit, c’est que ce n’est pas bon”. C’est un ressenti que nous avons déjà parfois pu constater. L’an passé, avec l’affiche électro, nous découvrions un public que nous ne connaissions pas. Je ne dirais pas que nous en avions peur mais nous étions dans l’expectative. Alors bien sûr, c’était des gens très sympathiques mais j’ai eu le sentiment que, quelque part, comme ils avaient payé une entrée, ils manifestaient plus de respect pour ce qu’on proposait que les gens du vendredi, gratuit.
Étonnant, surtout après plus de 25 éditions?
Alors, oui, la réputation du Bear Rock est quand même là aussi, les bookeurs connaissent, mais quand on arrive dans un nouveau genre, dans lequel on n’a jamais travaillé, il faut quand même “montrer patte blanche”, entre guillemets. Et quand bien même ! Cette année, nous avons dû par exemple négocier pendant trois mois pour avoir Tramhaus !
Les Aralunaires – l’urbain
Les Aralunaires étaient programmées cette année du 30 avril au 4 mai. Jawhar, les Barcelonais de Dame Area et aussi Turquoise s’y produisaient parmi une quarantaine d’artistes, dans des lieux parfois fort insolites. Ainsi, la Française Billie jouait dans une ferme historique (la ferme de Birel), l’occasion d’attirer l’attention sur les visées dont elle fait l’objet de la part de promoteurs immobiliers.
Du côté d’Arlon, on sait joindre l’utile à l’agréable, le temps d’un « festival précurseur », comme le qualifie Nicolas Musty.
Nicolas Musty – Les Aralunaires
Sur nos différentes scènes, il y a toujours l’une ou l'autre locomotive mais pas de TGV comme dans les gros festivals.
Vous aussi, vous vous sentez poussés à vous repositionner?
Le festival a peut-être eu “la chance” d’être précurseur quand il a été lancé il y a 16 ans. Il était déjà fondé sur le concept des concerts intimistes, des plus petites jauges et des artistes émergents. Et le “business model” n’a jamais été d’être calé sur des gros noms et donc d’être dépendants de très gros plateaux à très haut risque. Malgré tout, il y a quand même toujours eu quelques locomotives, peut-être d’un niveau plus local ou, en tout cas, dans une mesure autre que les festivals d’envergure. C’est ainsi que nous avons proposé les Girls In Hawaii ou November Ultra… Et puis aussi quelques très beaux coups de poker, que la scène belge nous a permis, notamment avec Angèle et Roméo Elvis à l’époque. Disons que sur nos différentes scènes, il y a toujours l’une ou l’autre locomotive mais pas de TGV comme dans les gros festivals.
Un constat en cet après-Covid?
Nous avons noté une polarisation encore plus marquée qu’auparavant, avec des noms devenus inaccessibles. Ce qui veut dire que les locomotives sont plus chères que jamais et donc, à haut risque pour des festivals comme le nôtre. Surtout que nous avons des jauges limitées, parce que nous n’avons jamais voulu de scène extérieure de grande taille. Aux Aralunaires, un concert extérieur, c’est dans un jardin devant 500 personnes maximum. Le Covid a donc entraîné un virage : moins de têtes d’affiche. Enfin, tout dépend de ce qu’on entend par là. Nous aimons bien dire qu’aux Aralunaires, il n’y a que des têtes d’affiche… Mais quoi qu’il en soit, c’est le reflet d’une réalité économique.
Quelle est-elle, pour vous, précisément?
En fait, nous sommes très fiers de défendre, et c’est ce que nous faisons depuis le début, des projets émergents. Des choses à découvrir. Mais c’est aussi la réalité d’un marché où le hip-hop et l’électronique sont impayables. Encore une fois, nous n’avons pas dû recalibrer énormément parce que le festival a été conçu autour de cette idée de petites jauges et de concerts intimistes. Même si nous sentons une différence, nous l’avons moins subies que d’autres festivals.
Tout comme le Bear Rock, vous êtes en ville. Ça joue?
En province de Luxembourg, les gens font vite 30, 40 ou 50 kilomètres pour aller à un événement. Ils ont aussi l’habitude d’aller à Luxembourg, voire à Bruxelles, à Nancy… Chez nous, les aficionados de musique font beaucoup plus de bornes que les Bruxellois. Là où, à Bruxelles, on a du mal à emmener les gens à La Source ou à l’Illegaal. Quand j’accompagne marcel qui joue à Nancy (Nicolas Musty est le manager du groupe, – ndlr), je rencontre des Arlonais qui ont fait deux heures et demie de route pour venir les voir ! Donc non, je ne pense pas que le fait d’être à Arlon nous aide. Par contre, ça nous a poussés à revoir notre manière de fonctionner. Au niveau des partenariats, nous cherchons depuis des années à garder un lien avec le tissu associatif, à sortir une bière par la brasserie coopérative d’Arlon, à travailler avec une asbl qui amène des gens fragilisés aux concerts… Ça, ça nous rapproche de la ville, de la cité.
Une bonne affiche, seule, ça ne suffit pas?
Effectivement. Même si les gens sont curieux, nous avons besoin de relais locaux. Plus qu’avant, en fait. J’ai l’impression que, depuis deux ou trois ans, nous vivons la fin de l’âge d’or des réseaux sociaux. C’est paradoxal, parce qu’ils sont partout, super influents, et même les autorités s’en emparent. Mais pour les festivals, c’est différent. Si nous les maîtrisons, tout est devenu plus cher, plus arbitraire et, sur les réseaux sociaux, la visibilité est beaucoup plus erratique qu’auparavant. Nous sommes dans une phase où on revient à des réflexes de com qui étaient ceux des années 90 ou 2000, une communication 1.0, quoi ! À nouveau des affiches, plus de flyers… C’est étonnant !
Ne serait-ce pas dû au fait que, justement, vous n’avez pas de “gros noms”?
Il est vrai que quand on a un très gros nom sur lequel on peut faire une campagne, on pourrait encore s’en sortir avec les réseaux sociaux. Mais le RGPD (le Règlement Général sur la Protection des Données, – ndlr) a aussi extraordinairement complexifié les choses quand il s’agit de targetter les gens sur les réseaux sociaux. Auparavant, avec un petit budget, quand on prenait le temps de paramétrer les campagnes, on pouvait vraiment toucher les aficionados de rock à Arlon et dans un rayon de 50 kilomètres. Ça, ça marche 50 fois moins qu’avant. Et donc, il faut des budgets plus importants. Ou alors, il faut un message plus mainstream qui va se diffuser plus largement.
LASEMO – le familial
Le LaSemo se tiendra du 10 au 13 juillet dans le Parc d’Enghien.
À l’affiche, notamment, des pointures et des “stars” comme MC Solaar, Mika, Ben Mazué ou encore Irène Drésel, Feu! Chatterton et Ghinzu,
de même que des “tribute acts” à la mémoire de Johnny, Cloclo, Annie Cordy et Aznavour. Vous avez dit “affiche tout en contrastes” ? « Il y a une explication », nous a répondu Samuel Chappel, le directeur du festival.
Comment vit-on chez vous cette période où d’aucuns éprouvent la nécessité de se repositionner, voire à se réinventer?
Nous réinventer, repenser le modèle de festival, ça nous mobilise beaucoup depuis la création du LaSemo il y a 18 ans. Pour nous, c’est plutôt un moteur. Si nous l’avons fait dès le départ, c’est parce que nous voulions essayer de proposer une démarche un peu singulière au public. Un festival qui nous ressemblait, basé sur une expérience que nous avions envie d’offrir au public, plutôt que sur des modèles existants. Et depuis quelques années, certainement depuis le Covid, c’est devenu une nécessité. Auparavant, dans les festivals, on ne parlait que de la programmation, alors qu’aujourd’hui, c’est bien plus de “l’expérience”.
C’est quoi, « un festival qui nous ressemblait »?
Quand nous avons commencé, en nous souciant notamment des questions de durabilité, on nous prenait un peu pour des fous. Nous avons beaucoup travaillé sur l’accueil d’un public plus familial, ce qui était aussi assez singulier, voire relativement inexistant dans les festivals. Et puis, également, sur une offre pluridisciplinaire, en proposant aussi de l’art de rue, du cirque, du conte, des animations…
Quand on regarde votre affiche aujourd’hui, l’offre musicale est, dans le genre, très conséquente…
Nous avons quelque peu fait le chemin inverse. C’est-à-dire que pendant une quinzaine d’années, nous avons vraiment mis notre énergie au service de toutes ces spécificités initiales, quitte parfois à mettre moins de moyens financiers et humains dans la programmation musicale. Depuis deux ou trois ans, nous nous sommes dit que le festival avait maintenant une place, une existence, et qu’il était prêt à grandir. Et pour assurer cette croissance, il nous a semblé qu’il fallait élargir le spectre de la programmation musicale avec des plus gros noms. Et donc, nous avons élargi la programmation mais sur un socle de diversité de projets et d’offres assez solide. Et aujourd’hui, nous travaillons sur les deux en parallèle. D’un côté, sur une programmation de qualité avec des “headliners”, et de l’autre, sur des nouveautés dans l’offre non musicale du festival.
En élargissant la programmation musicale, vous allez être confrontés à ce que d’autres expérimentaient déjà : la hausse des cachets et des coûts à tous les niveaux!
Bien entendu. Mais grandir de la sorte, ça veut dire aussi aller chercher du public avec des têtes d’affiche, ce qui permet de justifier une augmentation raisonnable du prix du ticket. Là, je sais que ce n’est pas toujours facile à entendre mais, historiquement, en Wallonie et à Bruxelles en tout cas, on a des tickets de festivals à des prix très bas, comparativement à la Flandre, l’Angleterre ou les États-Unis. Après, nous partageons avec tous les festivals l’envie de rester accessible à tous. Mais ça devient de plus en plus un choix et un sacrifice pour le public, même si ça reste un peu moins cher, de l’ordre du city trip, d’un parc d’attraction ou d’un week-end à la mer.