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Michel Moers 


As Is

Freaksville

Il a atteint la limite d’âge pour lire Tintin et a attendu une vie christique pour donner une suite à son premier album solo Fishing Le Kiss paru en 1971. Michel Moers, l’architecte/photographe (à ses heures comptées) et voix inimitable des non moins inimitables Telex a composé ce disque minimaliste à l’aide d’un logiciel Logic Pro. Et il y met toute sa poésie surréaliste. « Je n’aime pas ce que les gens font. Je n’aime pas la gueule qu’ils ont. Et ce qui est dur surtout, c’est qu’il y en a partout », chante-t-il sur Les gens sont affligeants avec, dans le décor sonore, un beat électro improbable qu’on pourrait trouver en “hidden track” chez Aphex Twin ou William Orbit. De l’humour ? Pas sûr. « Tout le monde connaît quelqu’un de décevant dans son entourage, note Michel. Et même si ce titre a été écrit il y a 30 ans, il est peut-être encore plus pertinent aujourd’hui. » Plus loin, il cite le Petit Prince de Saint-Exupéry sur Pixels, capture le spleen de l’instant présent sur la ballade Beau-Triste et invite Claudia Brücke, chanteuse du groupe culte Propaganda (Moments in love, Dr Mabuse) sur le forcément cold wave Microwawes. On pense beaucoup au Telex de Saint-Tropez sur Potentialy (Love-Hate) alors que le dandy un peu maudit DAAN vient sublimer l’ode électro rétrofuturiste Back To Then. Dix chansons qui n’auraient pas pu être publiées ailleurs que sur Freaksville, le plus surréaliste et défricheur de nos labels. Pourquoi trente-trois ans d’intervalle entre ces deux aventures solo ? « En fait, je faisais de la musique comme les peintres le font le dimanche, explique-t-il. Dans la plupart des cas, j’avais jusqu’à dix versions de chaque chanson, alors il m’a fallu du temps pour comprendre lesquelles j’aimais. » C’est comme ça. As is, en anglais. 

Luc Lorfèvre