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Le magazine de l’actualité musicale en Fédération Wallonie - Bruxelles
par le Conseil de la Musique

De l’importance des radios locales

Jean-Philippe Lejeune

En janvier dernier, Larsen enquêtait sur la place des talents émergents de la Fédération Wallonie-Bruxelles dans le paysage radiophonique, en ciblant les réseaux nationaux. Aujourd’hui, on s’intéresse aux plus petites radios. Qu’elles soient locales, régionales, associatives ou commerciales, elles représenteraient à elles seules environ 10% de l’écoute totale en Wallonie et à Bruxelles. Mais comment travaillent-elles ? Et quelle place donnent-elles aux artistes de la Fédération Wallonie-Bruxelles ?

Les radios indépendantes ou locales ont souvent été aux prémices de carrières, que ce soient celles d’animateur.trice.s ou de journalistes devenus professionnels par la suite. Ces structures ont un rôle essentiel dans la formation des professionnel.le.s des médias. Pour les musicien.ne.s ou DJ débutant.e.s, c’est finalement un peu pareil. « DJ Milo a été lancé par nous ! se souvient Philippe Sala, fondateur de BXFM et de Vibration à Bruxelles. Il a commencé par faire la programmation sur Vibration. Maintenant, il fait des concerts à l’étranger devant des milliers de personnes. » Le coprésident passionné de RadioZ, une fédération de plus de 40 radios indépendantes, croit dur comme fer à l’impact des radios locales dont beaucoup pourtant tendent à disparaître faute de moyens humains et financiers. Mais par quels moyens cette multitude de petites radios a-t-elle écho des nouveautés musicales et qu’en font-elles ?

 

Jean-Denis Lonnoy – Maximum FM

Les artistes ne doivent pas uniquement
se focaliser sur les réseaux nationaux.

 

« Les radios indépendantes les plus importantes sont sollicitées régulièrement par les mêmes canaux de distribution que les réseaux privés ou publics. Je suis moi-même bombardé de mails de maisons de disques et de managers indépendants, explique Philippe Sala. Certaines radios sont inconnues ou ont moins d’impact. Le rôle de notre fédération Radio Z, c’est de créer des interactions entre elles. » Par exemple, un artiste qui passe sur BXFM peut être proposé à d’autres radios locales du même format musical. La diversité des radios indépendantes offre aux artistes des canaux de distribution en fonction de leur style. Pour un jeune artiste qui désire se faire connaître, c’est tout d’abord localement qu’il va le faire en se mettant en contact avec la radio de sa ville ou de son village que ce soit à Bruxelles ou en Wallonie. « À Nivelles, par exemple, Ultrason est la radio du coin et les artistes locaux poussent la porte du studio. Porte qui ne s’ouvrirait pas dans un réseau national très sollicité et qui ne va pas prendre quelqu’un qui démarre, sans manager… » Pour le coprésident de Radio Z, il n’est donc pas normal que l’on ne considère pas plus ces radios locales car elles permettent le développement de carrières tant artistiques que médiatiques. « Et il y a une reconnaissance de la part des artistes quand on les croise à des concerts “Tu te souviens ? On était passé chez vous au début…”»

« Les talents ne doivent pas uniquement se focaliser sur les réseaux nationaux, nuance Jean-Denis Lonnoy, assistant à la programmation de Maximum FM, radio régionale de la Province de Liège. Certains programmateurs jettent de temps en temps une oreille sur ce qui se fait en local pour voir s’ils n’ont rien loupé. Dans les structures de promo comme This Side Up, il y a des personnes qui travaillent sur le réseau national mais aussi sur le réseau des radios locales et régionales. » Jean-Denis a d’abord travaillé dans une radio locale comme programmateur d’Equinoxe FM (radio locale liégeoise). « J’ai rencontré pas mal de personnes, j’ai la chance d’avoir construit avec le temps un vaste réseau, aussi bien avec les majors qu’avec de plus petites maisons de disques. Mais pour un artiste, avoir des contacts dans ce réseau-là, cela coûte de l’argentLes jeunes musiciens veulent tout faire tout seuls et même si les réseaux sociaux sont une avancée extraordinaire, cela ne leur permet pas nécessairement de toucher les personnes clés pour les aider encore un peu plus. »

Et la diffusion des artistes hors format ?

Comme les antennes nationales, les différentes radios locales ont aussi leurs propres formats. Un tiers d’entre elles revendiquent quand même un patchwork de styles où la ligne de conduite musicale n’existe pas vraiment. Les radios universitaires comme Campus ou 48 FM en sont un bon exemple, le public étudiant étant un peu plus souple. « Si les artistes sont bien renseignés ils pourront plus facilement cibler les bonnes radios par rapport à la musique qu’ils proposent. S’ils sont hors format, ils pourront trouver des radios indépendantes où le format musical est “explosé” ». Les médias de proximité ont lancé des genres musicaux peu vendus à l’époque comme le rap il y a 30 ans. Cela a eu du succès et cela a permis à de nombreux artistes de démarrer. « Pour l’anecdote, la new beat a été lancée par les des radios indépendantes », s’amuse Philippe Sala. Chez Maximum FM, la couleur est clairement pop-rock mais la découverte des talents émergents est une de leurs priorités. « On soutient Charlotte et Ykons depuis leurs débuts, cela fait partie de l’ADN de la radio et de notre contrat avec le CSA… On ne “rentre” pas un artiste pour répondre à un quota. On veut suivre les talents comme récemment Sam Bosman ou Alex Lucas, ils ont leur place dans notre programmation. »


Jean-Denis Lonnoy - Maximum FM

Il y a peut-être des radios locales qui n’ont pas connaissance
de telle ou telle nouveauté parce qu’elles n’ont tout simplement pas le bon contact !

 

Et la proportion des artistes de la Fédération Wallonie-Bruxelles ?

On dénombre environ 80 radios indépendantes en Wallonie et à Bruxelles. En cumulant leurs audiences, on atteindrait un taux de 12 et 14 % selon Philippe Sala, soit l’audience quotidienne d’une radio comme Vivacité. Grégory Pirotte, directeur de Maximum FM, nuance et avance plutôt une part d’audience qui ne dépasserait pas les 8 %. Selon les derniers chiffres du CIM, la part de marché cumulée des radios locales et régionales dépasserait de peu les 10%. Une audience potentielle intéressante pour des artistes en devenir d’autant que beaucoup de radios indépendantes collaborent étroitement à la promotion des artistes locaux avec les centres culturels. « Nicolas Boulard, responsable d’Ultrason, me disait qu’ils diffusaient 15 % d’artistes de la FWB et jusqu’à 30% des artistes du BW, précise Philippe Sala. Chez nous à BXFM, on a augmenté les quotas d’artistes FWB en raison du Covid. » Même son de cloche auprès de Maximum FM qui lancera pour la rentrée une émission 100% belge de 21h à 22h tous les jours. « On garde une bonne audience par rapport à la journée, explique Grégory Pirotte, il y aura autant de découvertes que des grands noms de la scène FWB mais on ne s’empêchera pas de passer des artistes flamands. » Chaque année lors de la Fête de la Musique, certaines radios mettent les talents belges en avant. « On a reçu des mails pour les artistes privés de festival, ajoute Jean-Denis Lonnoy, mais nous sommes déjà au-dessus de nos quotas… ». Philippe Sala précise : « Quand le Conseil de la Musique nous a interpellés par mail pour mettre l’accent sur les productions FWB, j’ai forwardé les informations aux radios de la Fédération Radio Z. Malheureusement toutes les radios n’ont pas le temps et les moyens d’y consacrer du temps et de l’énergie. »

Jean-Denis Lonnoy nous avoue encore découvrir des relais avec lesquels il ne travaillait pas encore… « Si je n’ai pas le contact, je n’ai pas le titre de l’artiste ou du groupe…. Il y a peut-être des radios locales qui n’ont pas connaissance de telle ou telle nouveauté parce qu’elles n’ont tout simplement pas le bon contact ! »

La Fédération Wallonie-Bruxelles reste un petit territoire et la part de marché que représentent les radios indépendantes doit être prise en considération. Les jeunes artistes ont plus que jamais besoin de visibilité et de promotion. Ces radios toujours en recherche de contenus peuvent le leur offrir à leur échelle : un partenariat gagnant-gagnant est donc possible et même souhaitable.