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Le magazine de l’actualité musicale en Fédération Wallonie - Bruxelles
par le Conseil de la Musique

Jam

la radio qu’on shazame

Didier Stiers

Un an et demi ou presque après avoir été porté sur les fonts baptismaux, le nouveau média de la RTBF a plutôt bien grandi. Et on y croit à son développement. Le contenu s’est étoffé, la grille s’est pour ainsi dire humanisée et il s’est même installé sur les réseaux sociaux. Le premier pari est réussi, nous explique Bernard Dobbeleer, le chef de projet : toucher un public curieux et passionné de musique.

Si Jam a vu le jour, c’est parce qu’à l’époque où on œuvrait à l’intronisation du DAB+ à la RTBF, il restait une opportunité de radio à saisir. Et Bernard Dobbeleer ne s’est pas fait prier. « Malgré l’offre déjà très complète. Mais, pour moi, et depuis des années, je trouvais qu’il manquait vraiment un média dédié aux musiques alternatives et aux artistes émergents. J’ai sauté sur l’occasion. » Le projet est alors adopté.

La naissance, elle, s’avère plutôt discrète : « Nous avons lancé Jam le 27 septembre 2019. Le problème dans une grosse entreprise comme la RTBF, c’est qu’on n’arrive pas n’importe quand avec un nouveau projet alors que les budgets ont été votés l’année précédente. Nous avons donc commencé avec très, très peu de moyens. Nous étions deux pour faire la programmation… »


Bernard Dobbeleer - RTBF
Être présents dans le milieu de la musique alternative,
mais évidemment avec un fort ancrage belge.

 

Essentiellement tournée vers la nouveauté et les découvertes, cette radio est donc constamment en mouvement. « Les titres tournent quelques mois en général et puis nous renouvelons. Nous diffusons encore quelques titres que nous passions il y a un an et demi, mais nous avons déjà complètement renouvelé toute notre programmation. »

Dix-huit mois plus tard, l’évolution est indéniable. Le plus notoire, pour Bernard Dobbeleer, c’est d’abord l’arrivée de Maya Cham à l’antenne pour animer en semaine la tranche 16h/20h. « L’idée de départ était de faire une vraie radio. Mais sans animation, on nous a souvent dit que Jam n’était en fait qu’une playlist. Même si nos playlists était conçues par des êtres humains et pas par des machines ou des algorithmes, il est vrai que ça manquait de présence humaine. » Ce qu’on ne pourra plus dire aujourd’hui : à sa suite, et ce fut la nouveauté la plus conséquente de la dernière rentrée, sont nées des émissions de curation proposées en soirée. « Le vendredi à 20h, DC Salas parle de musique électronique et reçoit des invités. Le samedi, dans Aside animée par Marie Frankinet qui est passionnée par le hip-hop et le nu r’n’b, on a entre 30 et 50% d’artistes locaux. Les gens de Goûte Mes Disques proposent désormais un rendez-vous thématique mensuel. Et puis, je suis très heureux d’être parvenu à convaincre Melanie De Biasio de faire une émission, ce qui est une première pour elle. »

À cette évolution, fondamentale pour notre interlocuteur, ajoutons aussi un nombre de publications en hausse considérable : « Nous avons maintenant trois, quatre journalistes qui publient des articles. Nous faisons des interviews, des portraits des artistes et des DJ’s que nous diffusons… Nous voulons vraiment être efficaces. Et de plus en plus présents dans le milieu de la musique alternative, mais évidemment avec un fort ancrage belge. »

Artistes du cru avant tout

Les mauvaises langues diront que Jam tombe à pic dans la mesure où, puisqu’il est question de faire de la découverte d’artistes belges, la radio va sérieusement contribuer au respect des quotas imposés en Fédération Wallonie-Bruxelles. En un an et demi,

Bernard Dobbeleer aura eu le temps se frotter à cette réflexion.

« Je suis ravi qu’on me pose ici la question et, en même temps, je n’arrive pas à comprendre pourquoi, après tous les articles qui ont été publiés, toutes les interviews qu’on a données sur le sujet, on peut encore être suspicieux par rapport à ça. Jam est un projet que j’ai imaginé il y a deux ans. Je ne l’ai pas réfléchi en termes d’âges ni de pourcentage de FWB à inclure dedans. Je n’en ai rien à foutre ! Ce projet, c’est juste de la passion. Mais il se fait que dans ce que nous faisons pour Jam, à certains moments, il y a 30, 35% d’artistes de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Tout simplement parce que ces artistes nous plaisent, sont bons. Pas parce qu’on a un revolver sur la tempe. Jam n’est pas là pour aider la RTBF, la RTBF n’a pas besoin de Jam pour ça, ce n’est pas du tout l’idée. »

L’ancrage belge doit aussi se manifester sur le terrain, mais cette ambition-là vient de subir un petit coup de frein, pour cause de Covid. « Malheureusement pour nous et, malheureusement pour tout le monde, la pandémie fait qu’il n’y a plus de concerts, plus de festivals. Or notre volonté était aussi des partenariats avec des festivals qui sont en adéquation avec ce que nous voulons faire. Donc pas des gros trucs comme Tomorrowland ou Werchter, mais des plus petits festivals, des émergents. Ou même Dour, les Nuits Botanique, Couleur Café… Nous irons sur Esperanzah, le Listen Festival à Bruxelles, le Super U, le Micro Festival. Nous allons peut-être nouer des partenariats avec l’Atelier 210, le KulturA à Liège, le Rockerill, tous ces gens avec qui nous avons envie de travailler mais dont nous ne pouvons pas être proches de manière active vu la situation actuelle. C’est aussi l’ambition, en tout cas. » Outre celle de développer d’autres programmes encore : « Nous allons vraiment augmenter notre offre. Nous voulons créer une émission plutôt indie rock/folk, une autre émission un petit peu plus techno minimale mais très soft pour terminer peut-être le week-end… Notamment. »

En attendant, chez Jam, on se fait une idée un peu plus précise de qui est l’auditeur. Même quand on est plus passionné par la musique que le marketing… « Ce n’est pas mon domaine du tout mais évidemment je m’intéresse. Du département réseaux sociaux de la RTBF qui administre notre page Facebook, il nous revient que les gens qui se sont abonnés jusqu’à présent ont entre 25 et 45 ans, ce qui est plutôt la cible que nous visions. Enfin, moi, je ne vise que ceux qui s’intéressent à la mu- sique, qu’ils aient 18 ans ou 65 ans, peu importe. Quand j’avais 15 ans, j’écoutais du Miles Davis, les Ramones, plein de trucs. J’ai pas mal de potes qui ont des gosses de 20, 25 ans, qui écoutent du hip-hop, de l’électro, des vieux trucs : ils sont cu- rieux. Mon ambition, c’est vraiment plus de toucher des curieux, des gens qui ont envie de découvrir des choses. Et donc, d’après les retours qu’on a, c’est le cas. De ce point de vue, je pense que le pari est déjà plutôt réussi. »

DC Salas
« J’apprécie vraiment Jam pour sa mission de service public essentielle : soutenir les scènes émergentes, alternatives. Du côté francophone de notre plat pays, c’est un média assez unique dans ses ambitions. Et pour ma part, c’est un retour aux sources puisque j’ai commencé par la radio à 14 ans. Le faire dans ce cadre-ci, en montant cet espace de soutien et de mise en avant de la scène électronique, c’est vraiment un plaisir. Et c’est fou que ça soit si récent ! »

Melanie De Biasio
Bernard Dobbeleer laisse carte blanche à l’artiste carolorégienne. « Elle était très hésitante. Je lui avais dit qu’elle pouvait faire ce qu’elle voulait, présenter des vieux trucs, ses coups de cœur, des nouveautés, peu importe. L’idée était juste de mettre son univers dans une émission de radio. Quand j’ai entendu sa première émission, j’avais les larmes aux yeux tellement c’est magnifique. Et donc, elle passe aussi bien du Fela Kuti que des morceaux obscurs de Radiohead, du Brian Eno, du blues, de la musique contemporaine, du Arvo Pärt, des artistes belges ou étrangers avec lesquels elle a travaillé… Elle m’a fait découvrir un album de Duke Ellington très percussif que je ne connaissais absolument pas ! Ça peut vraiment partir dans tous les sens ! »

Marie Frankinet
« Nous sommes tous complètement passionnés par la musique, et je trouve que c’est hyper important. Nous nous envoyons tout le temps des messages, pour parler du dernier coup de cœur ou du dernier groupe découvert… Il y a une espèce de cohérence d’équipe, mais surtout cette excitation, c’est très, très chouette ! Nous avons beaucoup de liberté pour choisir les groupes que nous avons envie de mettre en avant dans nos émissions. Et ce qui change aussi, c’est cette vraie volonté de mettre en avant des artistes belges. La vocation de Jam est de faire découvrir des tas d’artistes et de morceaux sans spécialement avoir de filtres. Il y a tout à faire, c’est excitant. »