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Le magazine de l’actualité musicale en Fédération Wallonie - Bruxelles
par le Conseil de la Musique

Stéphanie Blanchoud

Toucher à l'intime

Luc Lorfèvre

Un troisième album aux sonorités pop, une tournée et bientôt un long métrage d’Ursula Meier dont elle cosigne le scénario et dans lequel elle a Benjamin Biolay pour partenaire… La rentrée est chargée pour la comédienne, chanteuse et auteure belgo-suisse qui ne cesse d’élargir son terrain de jeu.

Cet album, je l'ai fait pour la scène », nous dit Stéphanie Blanchoud. Nous sommes installés à la terrasse d’un bar gentrifié de Saint-Gilles, à quelques centaines de mètres de chez elle. Elle a commandé un cappuccino qu’elle boit à petites gorgées. Cheveux courts, regard qui ne fuit jamais, réponses mesurées, verbe assuré… Si Stéphanie Blanchoud pratique avec grâce l’art de l’esquive lorsqu’elle s’entraîne à la boxe, passion qui remonte bien avant Je suis un poids plume, seul·e en scène qu’elle a créé en 2017 au théâtre des Martyrs, dans l’exercice de l’interview, elle choisit d’avancer à découvert. Même si elle avoue parfois douter, voilà une femme qui sait où elle va et ce qu’elle veut. 

 

Stéphanie Blanchoud
Un album, c’est comme un nouveau spectacle ou un nouveau film.
On ne repart pas forcément d’une page blanche
mais on a forcément d’autres envies.

 

Dans un monde sans Covid, son troisième album Ritournelle aurait dû sortir en 2020. «Tout était déjà prêt fin 2019, j’étais impatiente de le présenter en live l’année dernière et puis il y a eu le coup d’arrêt lié à la pandémie et le planning a été chamboulé. » En cette rentrée automnale, les planètes s’alignent enfin. Annoncé par les singles Deux Mille Vingt et Rendez-Vous, Ritournelle voit le jour et les concerts suivent, à son grand bonheur. Après Insomnies (2009) et Les Beaux Jours (2015), Ritournelle dévoile des velléités pop qu’on ne soupçonnait pas chez la jeune femme née à Uccle d’une maman belge et d’un papa suisse romand. « Un album, c’est comme un nouveau spectacle ou un nouveau film. On ne repart pas forcément d’une page blanche mais on a forcément d’autres envies. Je ne sais pas si j’ai une identité musicale. Mais pour moi, le parcours que je mène a du sens. Pour Ritournelle, je souhaitais m’éloigner des couleurs folk de mes disques précédents. J’ai eu envie de me laisser porter par des sonorités pop, des arrangements plus riches et plus chaleureux. Je voulais davantage d’instruments, j’avais envie de cuivres, d’un peu d’électro aussi. »

Dans sa bulle

Pour Ritournelle, Stéphanie Blanchoud s’est entourée de Pieter Van Dessel, claviériste/multi-instrumentiste du groupe flamand Marble Sounds et de l’ingénieure du son Géraldine Capart (Dominique A, Miossec). « Si j’ai été bercée par la chanson française dans mon enfance, j’ai plutôt tendance à m’entourer de musiciens qui baignent dans une culture anglo-saxonne. J’ai fait écouter à Pieter des morceaux d’artistes dont j’apprécie l’univers: Kate Tempest, Beirut, Patrick Watson, mon ami Peter Von Poehl… De son côté, Pieter m’a aussi fait partager ses propres influences. Les chansons de Ritournelle ont été écrites sur différentes périodes. Ce qui les relie ? Ma voix certainement. Et les arrangements. Ils apportent la cohérence au disque et donnent une idée de ce que je veux présenter sur scène. L’équipe qui a fait ce disque sera celle qui m’accompagnera en live. Je ne veux plus me limiter à une formule guitare/voix comme je le faisais à l’époque de Les Beaux Jours. »

 

Stéphanie Blanchoud
Écrire, jouer, chanter… C’est cliché de dire ça,
mais toutes ces disciplines se complètent.

 

Pour qualifier son parcours musical qu’elle a toujours mené en parallèle à celui de comédienne, Stéphanie Blanchoud utilise le mot “artisanal”. « Je dépends d’une petite structure de booking-management (art-i où on trouve aussi CélénaSophia, RIVE ou Yew, ndlr). Il y a de l’envie mais peu de moyens. Ce disque, c’est du travail “maison”, en “famille”, ça s’est fait de manière fragmentée. Je pense déjà au suivant, je rêve aussi de décrocher une signature en France pour avoir plus de dates en live. » Quand on l’interroge sur l’écriture, activité qui s’impose comme trait d’union entre toutes les disciplines artistiques qu’elle pratique, c’est le terme “bulle” qui revient dans la conversation. « L’écriture, c’est une bulle. Quand j’écris, je me retrouve dans mon propre espace, un espace où je me sens bien, même lorsque que je suis en quête d’inspiration. Je me sens protégée quand je suis dans cette phase, que ce soit pour le théâtre ou pour une chanson. C’est quelque chose de très confortable. »

Prix de diction

Après avoir songé à des études de médecine, Stéphanie Blanchoud opte pour la philologie romane à Paris, tout en étant reçue au cours Florent. Revenue à Bruxelles, c’est déjà l’amour du mot qui la guide vers le Conservatoire royal de Bruxelles où elle décroche le Premier Prix d’Art Dramatique et de Déclamation en 2003. Elle enchaîne alors les rôles au théâtre tout en affirmant son style personnel comme auteure. Stéphanie crée son premier spectacle J’aurais voulu le dire en 2004. Suivront Dans tes bras (2006), T’appartenir (2009), Timing (2011)…À l’écran, si elle est nommée aux Magritte dans la catégorie Meilleur Espoir pour son rôle bouleversant dans La Régate (2009) de Bernard Bellefroid, c’est bien sûr avec les deux saisons de la série RTBF Ennemi Public (2016 et 2019) qu’elle franchit un cap. Elle découvre le concept de notoriété, on la reconnaît quand elle fait ses courses au Parvis de Saint-Gilles, elle apprend à creuser au plus profond d’un personnage et approfondit son expérience des plateaux. Les propositions de tournage s’accumulent, mais Stéphanie Blanchoud se réfugie encore volontiers dans sa “bulle” d’écriture et n’oublie pas la musique. « Écrire, jouer, chanter… C’est cliché de dire ça, mais toutes ces disciplines se complètent. En concert, j’ai l’impression de me mettre encore davantage à nu qu’au théâtre ou au cinéma où on a l’avantage de répéter plus. » Et dans les textes de ses chansons? « C’est toujours personnel. Même si j’ai l’impression d’avoir travaillé moins dans la mélancolie sur cet album, mes chansons touchent toujours à l’intime. Je ne suis pas une chanteuse engagée. Sur Ritournelle, le seul texte à message est Pays aux mille couleurs. » Pays aux mille couleurs est un hommage au Cap-Vert, cette république insulaire africaine que Stéphanie Blanchoud a découverte en acceptant de parrainer des missions pour l’ONG suisse Les Enfants du Monde. « C’était important pour moi d’évoquer dans cet album ce pays pour lequel j’ai eu un véritable coup de cœur. Dans ce titre, j’ai mis de l’espoir et des sonorités lumineuses, car c’est exactement ce que le Cap-Vert m’inspire. J’y ai aussi écrit le morceau Des Vies. » La vie, la sienne, colle à ce nouveau répertoire. Sur son nouveau disque, il est ainsi question de son fils (Ferdinand) et de résilience (Reste Encore, Ritournelle). D’une expérience personnelle, elle arrive aussi à décrire ce que nous avons ressenti pendant la pandémie avec Deux Mille Vingt, poignante ballade rock épurée qu’elle chante en duo avec Pieter Van Dessel. « J’ai été fascinée par ces artistes qui donnaient rendez-vous au public via les réseaux sociaux pour partager de nouvelles chansons. De mon côté, je me sentais incapable de créer, c’était même difficile de me plonger dans un livre. Cette chanson évoque ce qui m’a fait le plus souffrir pendant la pandémie, à savoir le manque de liens physiques avec mes proches. C’était plus difficile de voir mon père que de ne pas le voir. Ce fut particulièrement pénible. »

Initiales B.B.

En 2015, Stéphanie Blanchoud avait marqué les esprits avec Décor, un duo avec Daan. Réalisé par Ursula Meier, le clip mettait en scène Stéphanie et Daan sur un ring dans une confrontation qui tenait davantage de la chorégraphie langoureuse que du combat. Elle en robe de soirée. Lui, en dandy mal rasé. C’est la même Ursula Meier qui a réalisé La Ligne, sur un scénario qu’elle cosigne avec Stéphanie Blanchoud. Dans ce film attendu pour début 2022, Stéphanie y interprète Margaret, une femme de 35 ans « au lourd passé marqué par des comportements violents » à en croire AlloCiné. Son “ex” est joué par Benjamin Biolay. « Il est musicien dans le film et moi je chante. On a fait un titre ensemble. Benjamin a partagé sur sa page Facebook une photo de nous sur le tournage où nous faisons de la musique. J’aimerais beaucoup encore travailler avec lui, pourquoi pas sur un futur album, mais il a une grosse tournée qui l’attend et sans doute plein d’autres projets. » Quand nous vous disions que Stéphanie sait où elle va et ce qu’elle veut…


Stéphanie Blanchoud
Ritournelle
art-i / Poppins Productions