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par le Conseil de la Musique

Tawsen

La Raïvélation

Luc Lorfèvre

Avec Al Najma, “L’Étoile” en langue arabe, Tawsen clôture une trilogie d’EP sur le thème de l’amour et des failles relationnelles. Mêlant rythmiques raï, sons urbains et mélodies orientales, l’artiste rêve d’abolir les frontières mais reste bien ancré dans la réalité de son quartier d’Anderlecht. Rencontre avec un autodidacte sensible qui se distingue à la fois par son honnêteté lyrique et sa volonté de s’émanciper des codes du hip-hop.

Tawsen, prince de la fusion du raï et du hip-hop

L’idée de cette trilogie s’est-elle imposée dès le départ?
Oui. L’inspiration m’est venue de ma passion pour les films de Marvel où des héros franchisés comme Iron Man, Thor ou Captain American ont droit chacun à trois films. J’ai aussi pensé à The Weeknd qui a débuté sa carrière en publiant trois mixtapes rassemblées ensuite sur l’album Trilogy. J’ai imaginé un triptyque qui faisait le lien entre la terre, l’eau et le ciel. D’où les titres des EP : Al Warda (“La fleur” en langue arabe), Al Mawja (“La Vague”) et Al Najma (“L’Étoile”). Je savais aussi que je n’allais mettre aucun featuring et que la thématique générale tournerait autour des relations sentimentales. Par contre, j’ai écrit les textes au fur et à mesure. Je ne voulais pas que ce soit trop préparé non plus.

 

TawsenC’est ce que j’essaye de faire dans mes chansons, je veux être sincère.


Lorsque vos premiers morceaux sont sortis sur YouTube, on a dit que vous étiez le chanteur de “l’amour”. Vous vous retrouvez dans cette image?
Je parle d’amour, mais aussi de l’amitié, de la famille, des trahisons… Je suis très influencé par la scène urbaine américaine. J’ai l’impression que les artistes américains sont plus décomplexés que nous au niveau des sentiments. Ils assument davantage, même s’ils doivent se donner le mauvais rôle. Côté francophone, des gens comme Stromae ou Damso lèvent les tabous en osant parler de leurs failles ou de leur côté sombre. C’est ce que j’essaye de faire dans mes chansons, je veux être sincère.

Vous avez l’impression de casser certains codes du hip-hop francophone?
Je ne me considère pas comme un rappeur. Je suis un chanteur qui a du flow. J’ai essayé au début de mon projet de faire des punchlines et de forcer le trait. Mais ce n’est pas mon truc. Je raconte mon quotidien, je ne veux pas mentir ou frimer. Je ne vais pas parler de bagnole ou de piscine, alors que je prends le métro et que je vis à Anderlecht, entre la place Saint-Guidon et la chaussée de Mons. En France (après la première partie de Disiz au Zénith de Paris sold-out, il a aussi rempli La Boule Noire, ndlr), les gens du business m’ont dit il fallait que j’invente un storytelling pour être crédible sur la scène rap. Moi, ça me mettait mal à l’aise et j’ai réussi à les convaincre que je n’étais pas un mec comme ça. Finalement ils m’ont dit : « Ah c’est cool un mec naturel qui ne se la joue pas. Ça fait aussi une belle histoire à présenter aux médias. »

Sur Al Najma, vous chantez en français, en arabe et en italien. Il y a des beats électro, des guitares, du raï… D’où tenez-vous toutes les influences?
Je suis né dans le nord de l’Italie, j’ai des origines marocaines et j’ai commencé à faire de la musique dans des maisons de jeunes à Anderlecht avec un beatmaker fan de hip-hop. Voilà pour mes influences culturelles. À la maison, il n’y avait pas de CD, pas de grand frère qui aurait pu m’initier à un style particulier, on n’écoutait pas beaucoup de musique. À l’âge de quinze ans, j’ai voulu découvrir des trucs par moi-même et j’ai téléchargé le top 5 du Billboard américain. Il y avait la chanteuse country Kelly Clarkson, Bon Jovi, Lady Gaga, Coldplay et Jay-Z. Depuis lors, j’écoute de tout et j’ai envie de tout mélanger dans mes productions. C’est un casse-tête pour mes beatmakers!

La suite de vos aventures ?
Le but de ces trois EP était de chanter seul, sans le moindre featuring, de ne pas tricher dans les textes et de proposer plusieurs styles musicaux comme si je voulais dire aux gens : « Me voilà tel que je suis, prenez ce qui vous plaît. » Après cette trilogie, il y a bien sûr ce fantasme du premier “vrai” album. Mais j’ai d’abord envie de collaborer avec d’autres artistes. J’ai lancé des invitations à des Belges, des Italiens, des Hollandais, des Marocains… J’ai envie de voir ce que ça donne. Après toutes ces chansons sentimentales, il est aussi temps d’aborder d’autres thématiques.


Tawsen
Al Najma
Caroline Benelux