Accéder au contenu principal
Le magazine de l’actualité musicale en Fédération Wallonie - Bruxelles
par le Conseil de la Musique

Jean-Christophe Renault

Artiste sans étiquette

Didier Stiers

C’est donc sur le tout jeune label Flak Records qu’a vu le jour le nouvel album du pianiste liégeois alias « une sorte de Keith Jarrett tendance Robinson Crusoé » comme l’avait surnommé Hugues Dorzée dans Le Soir… Ears Have No Eyelids, c’est le titre de ce disque, se distingue notamment par son côté paisible, serein.

Jean-Christophe Renault

Jean-Christophe Renault, dont les préférences vont notamment au minimalisme américain, a du mal avec le terme “néo-classique”, trop fourre- tout à son goût et, pire encore, quand on parle de “new age”. Qu’on ait du mal à lui coller une étiquette l’amuse assez…

Vous aimez la nature et vivez dans un endroit quelque peu isolé : est-ce aussi à cela qu’est dû le fait que Ears Have No Eyelids soit votre premier album depuis 10 ans ?
Ce n’est pas que je n’avais plus envie de faire des disques, c’est plutôt que les disques ne se vendent plus vraiment comme avant, ça devenait difficile. Alors on s’est dit pourquoi ne pas tenter le vinyle. Même si ça reste plus confidentiel, il y a quand même un peu plus d’engouement pour le vinyle que pour le CD. Sinon, oui, ça fait 40 ans que je vis ici, assez isolé, bien qu’en Belgique, il y a toujours des autoroutes pas très loin…

Si vous deviez présenter ce nouvel album à quelqu’un qui ne vous a jamais entendu, que mettriez-vous surtout en avant ?
Ce qui m’importe le plus, c’est le son. En général, quand j’écoute de la musique, que ce soit des chanteurs, des pianistes, peu importe, c’est d’abord le son. C’est quelque chose que je cherche depuis longtemps. J’ai d’ailleurs un album qui s’appelle À la recherche du son perdu… Le piano, c’est quand même des marteaux qui frappent sur une corde, alors j’essaie de faire en sorte qu’on oublie ça, et peut-être de me rapprocher le plus possible de la voix. C’est au-delà du paramètre technique, le son est ce qui prend aux tripes, et si ça ne parle pas, on peut détester le piano.

Qu’est-ce que ça fait d’inaugurer un nouveau label quand on a déjà toute une “carrière” ?
C’était plutôt une bonne nouvelle parce qu’avec les labels, ça n’a pas toujours été facile. Ici, ça se passe plutôt très bien. Fabrice est motivé, on est sur la même longueur d’onde. Il fait tout ce qu’il faut pour que je sois entendu. Ce qui n’a pas toujours été le cas. J’ai fait pas mal de disques sur le label Igloo, là ça se passait bien aussi, mais j’ai aussi fait des autoproductions pour lesquelles j’apprenais que les pressages n’étaient que des duplicatas… C’était une firme en Flandre, je crois, qui a finalement eu un procès. On apprend. Quand je dis que ça se passe bien, j’ai eu entièrement carte blanche. On a juste dû enlever quelques morceaux, pour correspondre à la durée du vinyle. Mais je n’ai pas dû me battre pour défendre ma musique, c’est plutôt Fabrice qui se bat pour la défendre !
 

Jean-Christophe RenaultCe qui m’importe le plus, c’est le son.


Pour les gens qui aiment les catégories, vous êtes inclassable, mais que pensez-vous devoir au jazz ?
Beaucoup ! Le seul problème que j’ai avec le jazz, ce sont les gens qui mettent les choses dans des tiroirs, et le public jazz est parfois un peu fermé, ce que je n’aime pas. C’est vrai que j’ai découvert le jazz et ça m’a sauvé : j’étais en pleine adolescence, j’avais envie d’arrêter la musique, mais j’ai eu la chance d’avoir un prof de jazz génial, qui m’a remis sur les rails, et j’ai recommencé à jouer. J’entends toujours dans ma musique ce que le jazz m’a apporté, au niveau de la liberté, des harmonies… Même si mes racines sont profondément classiques. Enfin, quand on dit “classique”, je préfère la liberté de la musique baroque. Quelqu’un comme Schubert a peut-être été un des premiers à faire de la world music et il s’inspirait beaucoup de choses populaires.

Vos projets discographiques ?
Comme j’ai beaucoup écrit pendant ce confinement, avec Fabrice, on envisage de réenregistrer quelques titres. Mais uniquement sous forme digitale. On essaie de comprendre un petit peu ce monde-là (rire), mais je pense qu’aujourd’hui, on ne peut pas passer à côté.


Jean-Christophe Renault
Ears Have No Eyelids
Flak Records