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par le Conseil de la Musique

Orlane

L'ascenseur émotionnel

Luc Lorfèvre

Deux ans après son EP Prisme, Orlane franchit un nouveau cap avec Aller-Retour, album de quatorze chansons électro-pop enregistré à Paris. Entre mouvements perpétuels, ascenseur émotionnel et tumultes personnels, la jeune femme use de toute la palette sonore pour chanter sa quête de stabilité.

Fraîchement diplômée en médecine à l’âge de vingt-trois ans, Orlane Willems prenait en 2023 l’audacieuse décision de se consacrer pleinement à sa passion musicale. Et quand Orlane fait des choix, ce n’est pas à la légère. Auteure, compositrice, musicienne accomplie (piano dès l’enfance, saxophone et guitare), la jeune femme met aussi à profit une particularité naturelle acquise à la naissance mais révélée sur le tard : la synesthésie. Comme Billie Eilish, comme notre princesse folk Benni, Orlane “entend” les couleurs. Elle a cette faculté mentale à associer chaque sentiment, chaque mot, chaque ressenti à une tonalité particulière. Guidée par sa synesthésie, Prisme, son premier EP paru à l’automne 2023, naviguait entre chanson française et pop, tout en révélant une écriture à la fois générationnelle, lucide et poétique.


Orlane
Avec mon équipe, on a privilégié la spontanéité et l’intuition.


Première signature belge du mythique label Source (découvreur d’Air et de Phoenix) qui vient d’être ressuscité par [PIAS], Orlane franchit un nouveau cap avec Aller-Retour. Généreux avec ses quatorze chansons, toujours aussi affiné lyriquement, encore plus éclaté dans ses sonorités avec une électro en mode lâcher-prise (La fin du silence, Sierra Nevada) mais aussi des bulles d’intimité (Toucher le ciel, Mal d’amour, Ralentis), ce premier album souligne l’évolution personnelle de la jeune femme. « Quatorze titres ?
Oui, je me suis montrée gourmande, analyse-t-elle. Aller-Retour traduit l’ascenseur émotionnel que j’ai connu ces trois dernières années. Trois déménagements, cinq ruptures dont quatre tentatives de réconciliation avec la même personne, des navettes incessantes entre la Belgique et Paris où j’ai enregistré le disque… Ce n’étaient que des mouvements perpétuels. J’ai eu aussi beaucoup de lectures qui m’ont permis de comprendre davantage de choses sur moi-même. Durant la phase d’enregistrement, on me répétait souvent “fais du Orlane”. Avec mon équipe, on a privilégié la spontanéité et l’intuition. Au final, Aller-Retour, c’est du Orlane, c’est bien moi. La palette sonore et celle des sentiments sont variées. C’est comme la musique que j’apprécie. Elle se consomme différemment selon le moment. Tu n’écoutes pas forcément dans ta voiture le même truc que tu vas te passer au casque quand tu es chez toi. Dans mon album, il y a un peu de tout ça… »

Double lecture

Quand elle décortique les relations sentimentales dans son disque, Orlane reste volontairement floue. C’est ce qui fait sa différence même si elle affirme que rien n’est calculé. Des exemples ? « À la base, la chanson Rouge à lèvres a été écrite comme un poème dédié au soleil et à l’été. Mais ça peut se lire aussi comme une déclaration d’amour à une femme. Mal d’amour raconte mon histoire d’amitié avec mon ancienne meilleure copine. Mais elle explore aussi les limites floues avec le désir entre deux femmes qui se découvrent à vingt ans. La vie sans toi est également autobiographique. Mais tout le monde s’y retrouvera. Au moment de la rupture, n’importe quel être humain peut passer parce que je décris. »

Promesse de belles joutes énergiques en concert, Sierra Nevada et La fin du silence s’invitent sur le dancefloor tout en affirmant un message sociétal. 
« Je fréquente beaucoup le milieu LBGT, les shows drags, les cabarets… À un moment donné, tu es sur le dancefloor, tu t’éclates sur de la techno sans penser à rien d’autre et, au détour d’un refrain ou d’un slogan, tu te dis “tiens, c’est un morceau pour faire la fête mais il a aussi de la profondeur”. » « La chanson La fin du silence, c’est clairement une ode féministe contre le patriarcat. J’étais en colère le jour où je suis entrée en studio pour écrire ça. On a mis un gros beat électro et j’ai tout lâché. » Dans l’atypique 23/9 (sa date anniversaire), Orlane retrace les étapes de sa vie et se projette aussi dans le futur, en 2038. Avec deux options: «Petite maison à deux » ou « grande artiste ». Que choisirait-elle si elle pouvait décider? «Dans un monde idéal, je crois que j’aimerais les deux », répond-elle. C’est tout ce qu’on lui souhaite.