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par le Conseil de la Musique

Didier Laloy

en version symphonique

Louise Hermant

Pour ses 30 ans de carrière, le célèbre accordéoniste réalise son rêve de gosse en revisitant son répertoire avec un orchestre. Et comme ce n’était pas assez, il revient aussi avec un nouveau projet, DYAD, dont l'album, Komorebi, a paru le 29 septembre dernier.

À 10 ans, on lui déconseille de continuer le piano et on lui recommande de se mettre plutôt au football. Ses professeurs estiment qu’il n’apprend pas assez vite, pas assez bien. La musique occupe une place importante dans la famille de

Didier Laloy. L’abandon du solfège et de la pratique instrumentale s’apparente alors à un « drame » à la maison, où l’on écoute énormément de musique classique. Quelques années plus tard, il découvre l’accordéon diatonique par hasard, lors d’un concert de Marianne Uylebroeck à l’occasion d’une fête de quartier. Pour cet instrument-ci, pas besoin de théorie, tout s’apprend plutôt à l’oreille. « Tout de suite, j’ai adoré cet instrument très physique. J’étais fasciné. » Aujourd’hui, Didier Laloy compte pas moins de 200 albums à son actif, tourne activement dans le monde entier et s’impose comme l’une des figures du renouveau international de l’accordéon diatonique.

Pour célébrer ses 30 ans de carrière, sa maison de production, Zig Zag World, vient de réaliser son fantasme d’adolescent en lui proposant de revisiter son répertoire en version symphonique. L’occasion pour Didier Laloy de retoucher au monde classique, délaissé depuis son passage infructueux à l’académie. « Lorsque j’ai arrêté le piano pour me mettre à l’accordéon, l’image du chef d’orchestre et des grandes scènes a très vite disparu. Je suis passé dans le monde des bals folk et des pubs irlandais, expose Didier Laloy. Mais cette vision du premier violon en costume est restée. J’ai fait une super carrière, j’ai joué avec plein de musiciens mais c’est vrai que ce petit truc-là me titillait toujours. »

Des versions chaloupées

Sa discographie se voit confier à deux grands noms de la musique classique belge : Jean-Luc Fafchamps et Gwenaël Mario Grisi. Ils sont chargés de sélectionner les morceaux emblématiques de la carrière de Didier Laloy et de les arranger pour un orchestre symphonique. « Il y a de plus en plus d’accordéons chromatiques qui rejoignent les orchestres mais très peu de diatoniques. C’était une vraie surprise pour moi et l’orchestre de parvenir à intégrer cet instrument dans cet univers. »

Pour enregistrer ce nouveau projet, direction Cuba. La maison de disques locale Colibri se montre intéressée. Elle finance alors les sessions studios et la collaboration avec l’orchestre symphonique de La Havane. La pandémie les oblige à enregistrer à distance. La vraie rencontre se déroule lors de leur première date prévue dans la capitale cubaine. « C’était magique. C’était mon rêve d’enfance d’aller serrer la main du premier violon!, se réjouit le musicien. En plus, c’est un orchestre incroyable, ils ont un niveau de dingue et un chaloupé que les musiciens classiques d’ici n’ont pas. Ils ont toutes cette culture de percussion que l’on retrouve moins dans la musique classique. Ma musique est très fortement basée sur des danses françaises, suédoises, irlandaises, bulgares… Eux, ils sont biberonnés à la danse. C’était tout de suite très plaisant de jouer avec eux. »

 

Didier Laloy

C’était mon rêve d’enfance d’aller serrer la main du premier violon ! 

 

Univers burtonien

Pour les dates belges prévues à l’automne, Didier Laloy sera accompagné d’un orchestre spécialement monté pour l’occasion avec 30 musiciens de l’Orchestre de Chambre de La Néthen, l’Ensemble Quartz et deux percussionnistes de l’Orchestre Philharmonique Royal de Liège. Une expérience qui s’annonce déjà particulière pour le musicien. «Avec un orchestre, il faut prendre en compte l’ensemble et le chef. Dans les groupes, je suis souvent soliste, je mène donc un peu la danse. Là, je dois suivre le chef, bien que ce soit mes morceaux. »

Ces nouveaux arrangements lui permettent également de redécouvrir ses compositions. Selon lui, elles sonnent désormais comme des musiques de films et se rapprochent de l’univers de Tim Burton. « C’était un grand plaisir de voir mes chansons prendre un air fantasmagorique et grandiose. » Au début de sa carrière, Didier Laloy a d’ailleurs tenté d’écrire pour le cinéma à plusieurs reprises. Mais l’accordéon coince. Les commanditaires le jugent trop ringard, trop poussiéreux.

Affronter une certaine condescendance

Depuis ses débuts, Didier Laloy se trouve régulièrement confronté aux stéréotypes vis-à-vis de son instrument. «À l’époque, des artistes comme Renaud, Arno ou Cabrel ont fait du bien à l’instrument en l’intégrant dans leurs chansons. Malgré tout, l’accordéon reste considéré comme un “sous” instrument. Je me souviens d’un souper avec des amis qui me disaient qu’ils connaissent quelqu’un qui jouait de la flûte de pan dans la rue et que ce serait super qu’on se rencontre », raconte le musicien, qui déplore cette vision condescendante.

Pour autant, l’artiste qui se rapproche de la cinquantaine ne se sent pas investi d’une mission de réhabilitation ni porte-drapeau de l’accordéon. « J’ai cet instrument en main mais je n’ai pas l’impression d’être accordéoniste. Quand on m’appelle pour des sessions de studio, je suis toujours un peu mal à l’aise et je préfère renseigner d’autres musiciens. » Il se perçoit avant tout comme un raconteur d’histoires, doté d’une énergie semblable à celle d’un guitariste électrique. « J’aurais vraiment adoré être batteur ou guitariste. Je suis très content d’avoir des enfants qui se sont emparés de ces instruments! On enregistre parfois ensemble. Ils ont réalisé mon fantasme ! »

Derrière son accordéon, Didier Laloy se transforme et sort de sa réserve naturelle. À ses débuts, déjà, l’instrument lui donne une certaine assurance. « J’étais un petit garçon assez timide. Et là, tout à coup, j’arrivais dans un monde d’adultes, il y avait assez peu de jeunes qui jouaient de cet instrument. J’ai eu l’impression de commencer à exister grâce à ça. » Sur scène, il se sent comédien. Plus qu’un concert, l’artiste veut proposer un spectacle incarné, vivant et, très souvent, collaboratif.

Trop is te veel

Depuis le début de sa carrière, l’artiste intègre et crée de nombreux projets aux styles musicaux variés. Avec Marc Malempré, Marka, Quentin Dujardin, Kathy Adam, Jean-Philippe Collard-Neven… Récemment, il fonde le groupe Duplex avec le violoniste Damien Chierici et prend un virage plus pop-rock. « Ça m’a fait très plaisir de rejoindre ce projet avec des jeunes Liégeois. C’est très enrichissant de me retrouver avec une bande comme celle-là, complètement déjantée. Eux vont dormir à 5h du matin, moi je tiens jusque 1h maximum. J’essaie de les ramener mais ça ne marche pas ! » Pour le moment, il revisite également Nirvana avec Manu Champagne, travaille avec le prêtre et théologien Gabriel Ringlet, tourne avec le groupe 100 Voltas qui s’imprègne de la culture galicienne et joue encore avec l’un de ses premiers professeurs d’accordéon, Bruno Le Tron. Rien que ça.

Les différentes collaborations s’enchaînent tellement qu’il se retrouve à donner plus de 250 concerts par an. « Il y a sept ans, j’ai commencé à diminuer pour retrouver la magie et le stress d’avant les concerts. Les concerts étaient tellement devenus une sorte de routine – on s’installe, on fait les balances, on mange, on joue, on rentre et on court le lendemain vers une autre salle– qu’il n’y avait plus de challenge. Maintenant, je sens que j’ai davantage envie de m’installer avec un projet. » Il donne dorénavant la priorité aux groupes dans lesquels il compose ou s’occupe des arrangements. Mais son agenda reste bien chargé, malgré ses bonnes résolutions.

Pour fêter ses 30 ans de carrière, Didier Laloy ne pouvait donc pas ne pas présenter un nouveau projet. Avec le contrebassiste français Adrien Tyberghein, il crée le groupe DYAD, qui mêle musique traditionnelle, rock, jazz et musique classique. Leur premier album, Komorebi Live, a paru à la rentrée.