Accéder au contenu principal
Le magazine de l’actualité musicale en Fédération Wallonie - Bruxelles
par le Conseil de la Musique

Ogives

À la croisée des genres

Didier Stiers

Après quatre ans de maturation, le premier album de ce groupe hors norme voit enfin le jour, chez Sub Rosa. Sorti le 21 avril dernier, La mémoire des orages a été mixé par Steve Albini. Rencontre avec le multi-instrumentiste Pavel Tchikov, principal maître d’oeuvre de cette convergence des styles que poursuit Ogives. 

Ogives

Ils se comptent sur les doigts d’une main, les groupes belges produits par Steve Albini. « C’est grâce à la Fédération Wallonie-Bruxelles, s’emballe Pavel! Une fois que nous avons obtenu les moyens, je me suis dit “soyons fous, essayons”, j’ai envoyé un mail et il a répondu tout de suite, disant qu’il allait le faire! » Mais pourquoi Albini, au fait ? « Jusque-là, j’avais toujours travaillé en autoproduction et je m’étais formé tout seul. Steve Albini, qui est une référence, avait déjà pas mal documenté son travail sur le Net, des masterclass sont accessibles, il répond volontiers aux interviews, donne beaucoup d’infos techniques et c’est quelqu’un de très simple… Quand nous avons su que nous pourrions confier la production à quelqu’un, c’était logique qu’on le lui demande en premier. »

Pavel Tchikov 

Je me suis dit “soyons fous, essayons”, j’ai envoyé un mail à Steve Albini
et il a répondu tout de suite.


La mémoire des orages ? Il s’agit, comme Pavel & co l’expliquent, de sept longs morceaux orchestrés autour de poèmes abordant les thèmes de la perception du temps et de la perspective de la mort. Soit 75 minutes de musique de chambre, de riffs électriques, de chœurs épurés, de textures électroniques et même de… hurlements! Quelque part, le reflet de l’histoire de la formation.

« Ogives est le résultat d’un groupe qui existait depuis 2012 et qui était d’abord un trio métal/prog’ avant d’intégrer d’autres éléments, notamment du free jazz et de la musique improvisée. » Il y a cinq ans, il y a ajouté des éléments “classiques” et de la musique écrite, composée. « L’effectif est alors passé à neuf et a connu une version acoustique. Nous nous sommes retrouvés à jouer parfois en trio métal, la semaine d’après en quatuor plus free avec un saxophoniste, puis en acoustique à neuf, ensuite dans des sortes de happenings, à improviser avec d’autres musiciens… » Un foisonnement qui, à force, devient ingérable. « Je trouvais que c’était évidemment une étape nécessaire mais aussi que nous avions fait le tour. Je voulais que l’effectif se consolide pour se concentrer uniquement sur la musique écrite et puisse travailler à long terme. » Comme il le résume : « La musique écrite a besoin d’un ensemble plus stable. Surtout que nous avons quand même une démarche un peu expérimentale dans l’écriture et dans l’arrangement. »

Professionnalisation

Si Ogives est le résultat d’un cheminement de groupe, il l’est aussi à titre personnel. « Quand j’ai commencé la guitare, j’ai abandonné tout le bagage rock, raconte Pavel Tchikov qui, enfant, entendait les disques de rock russe de son père. Je suis allé vers le jazz. Je suis toujours fasciné par des choses que je ne connais pas, mais une fois que je comprends, je laisse tomber. Via le jazz, j’ai accroché à la musique plus expérimentale. Et puis ma compagne, qui est également dans Ogives, est chanteuse baroque et m’a pas mal emmené là-dedans aussi… » L’idée aujourd’hui est d’essayer de réunir ces différentes esthétiques dans une même intention.

Le milieu DIY, il connaît, notamment pour avoir souvent organisé lui-même des concerts. « Vraiment en mode punk ! » Ce fut notamment dans les ruines du Fort de la Chartreuse, sur les hauteurs d’Amercœur à Liège. « Il y a ici quelques lieux, comme des hangars, où c’est possible. À un moment, j’avais même accès à une église, mais on a finalement été virés ! » Alors sortir chez Sub Rosa est un pas significatif. Ogives est désormais sur la voie de la professionnalisation, terme que Pavel emploie avec des guillemets : « Mais en amont, on travaille actuellement avec une agence de booking qui voit ça aussi comme un challenge ».