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par le Conseil de la Musique

M.CHUZI

À toutes les sauces

Nicolas Alsteen

Férus de grooves soul-funk, amoureux de plats en sauce, les huit musiciens du collectif M.CHUZI assaisonnent l’afrobeat de Fela Kuti avec quelques ingrédients inattendus. Signés sur le label Sdban (STUFF., Glass Museum), le groupe bruxellois met aujourd’hui le cap sur Papara, un premier album concocté à la mer du Nord.

M.CHUZI

Bruxelles, fin de journée. Le guitariste Thomas De Vries, le saxophoniste Mattéo Badet et le bassiste Niels d’Haegheleer s’entretiennent à la table d’un établissement spécialisé dans les bières locales. « Se retrouver comme ça, dans un bar, ça fait un peu partie de notre histoire, remarque le guitariste du collectif M.CHUZI. En 2018, je travaillais avec Niels dans une brasserie du centre-ville. Un soir, juste après la fermeture, nous avons eu l’idée de monter un groupe ensemble. » Bientôt, d’autres musiciens rejoignent les deux garçons avec, pour point commun, une passion dévorante pour l’afrobeat. « Nous sommes tous fans de Fela Kuti, mais aussi des disques enregistrés par Ebo Taylor, Pat Thomas ou Idris Ackamoor. » Venus compléter l’équipe, Martin Lissoir et Mattéo Badet (saxo-phones), Robbe Latré (trompette), Jan Heirman (batterie), Gil Duarte Da Cruz (guitare) et Basile Bourtembourg (claviers) se retrouvent alors dans un grenier. « Nous nous sommes vite écartés des grands standards de l’afrobeat, indique Thomas De Vries. Après quelques répétitions, nous avons réalisé que nous n’étions pas Africains, que notre ADN était différent. Nous avons grandi au contact du blues, du rock psychédélique, du funk et du jazz éthiopien. Ces différents éléments s’intègrent à présent dans notre répertoire. »

 

M.CHUZI
Nous avons grandi au contact du blues,
du rock psychédélique, du funk et du jazz éthiopien.

 

À l’image du métissage culturel bruxellois, la recette proposée par M.CHUZI brasse toutes sortes de sonorités avec allégresse et insouciance. Francophones et flamands, tous bilingues, les huit musiciens réforment ainsi l’afrobeat via quelques détours par les Marolles. En chinant des rythmes euphoriques dans les fripes de la grande sono mondiale, le groupe s’invente une formule instrumentale atypique, un genre à part, que l’on serait tenté d’appeler “zinneke-beat”.

Du groove à toutes les sauces

Comment trouver un titre éloquent à une compo sans parole ? « Au début, cette question nous posait problème, confie Mattéo Badet. Pour éviter les prises de tête, nous avons accolé un nom de sauce à nos démos. Cette pratique est devenue notre marque de fabrique. » Tous les morceaux signés M.CHUZI portent ainsi des noms de sauce. « À chaque fois qu’il manquait un petit truc dans une compo, notre guitariste appuyait sur une pédale d’effets pour, disait-il, “ajouter de la sauce”. L’expression est restée. Elle est même à l’origine de notre nom de scène. » Chipé dans le dictionnaire swahili, le mot mchuzi signifie en effet “la sauce”. « Pour brouiller les pistes et faciliter les recherches sur Google, nous avons toutefois ajouté un point juste après le M. Depuis, les gens pensent que le groupe s’appelle Mister Chuzi. Alors que, dans les faits, c’est juste un emprunt linguistique. » Tout comme Papara, le titre de l’album, dégoté sur la table d’un resto grec. « Il s’agit du nom donné au morceau de pain que l’on trempe traditionnellement dans l’huile, le tarama ou le tzatziki. »

Enregistré à Ostende, Papara a vu le jour au cœur d’une bâtisse historique : De Grote Post. « Nous nous sommes retrouvés là-bas grâce à notre victoire au concours Sound Track, explique Niels d’Haegheleer. En 2019, nous avons remporté la manche régionale à Bruxelles, puis la finale nationale, organisée à l’Ancienne Belgique. Parmi les prix, il y avait cette session à la mer du Nord. » Produit et mixé par Tradd (Coely, PAARD.), masterisé par Karel De Backer (Tamino, Meskerem Mees), Papara propose aujourd’hui un assortiment de sept sauces. Conviée au gueuleton, Joy Slam pose son flow sur Carbonade, tandis que Mix Monster Menno, scratcheur attitré du groupe STUFF., s’invite sur Pickels. Recruté par les têtes chercheuses du label Sdban (Black Flower, TaxiWars), M.CHUZI allonge désormais ses sauces aux quatre coins du globe. « Grâce aux réseaux de notre label, nous sommes notamment distribués en Angleterre. Là-bas, nous avons été diffusés sur BBC Radio 6, dans l’émission de Gilles Peterson. Depuis peu, Papara est même disponible au Japon. » De quoi entrevoir l’avenir, en mode teriyaki.