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par le Conseil de la Musique

Yôkaï

Casser la routine

Louise Hermant

L’inclassable formation bruxelloise revient avec un second album, plus électrique que le précédent. Après 10 ans d’existence, Yôkaï continue de se réinventer et d’expérimenter, pour ne jamais débarquer en terrain conquis.

Lorsqu’il s’agit de décrire leur musique, les dénominations se multiplient pour tenter de la dépeindre le plus justement possible. Ce n’est pas tout à fait du jazz, ni tout à fait du rock psyché, pas tout à fait de l’improvisation, ni du kraut. Ce n’est, en tout cas, plus de l’éthio-jazz comme ça a pu l’être à leurs débuts, il y a une dizaine d’années. « Avant, on faisait beaucoup plus de choses dans ce style, plus métissées, avec des rythmes africains. J’ai aussi fait mes études à Cuba, je connais donc bien la musique latine. Je n’ai pas du tout envie de faire ça ici, même s’il reste quand même toujours, dans le fond, quelque chose qui vient de là. Je veux cependant éviter à tout prix l’évidence de la musique “world” ou tropicale. On voulait aller vers quelque chose de plus personnel, avec davantage de textures », souligne Yannick Dupont, à la batterie, au clavier, aux percussions et fondateur du projet.

 

Yôkaï

Dès qu’on a une recette, on la change vite.
C’est peut-être là où on est encore assez “jazzmen” !

 

De retour avec un second album, le premier a été publié en 2019 et un EP est sorti l’année dernière (Sentinelle), Yôkaï poursuit son exploration sonore. Les huit musiciens (Clément Nourry, Ivan Tirtiaux, Fred Becker, Axel Gilain, Éric Bribosia, Jordi Grognard, Louis Evrard et Yannick Dupont) plongent dans un univers toujours plus cinématographique et atmosphérique, à l’image de ceux de leurs principales influences : Brian Eno et François de Roubaix (l’un des titres porte d’ailleurs le nom de ce dernier). Coup de grâce se montre également plus électrique et électronique. Les synthés et guitares électriques occupant une place de choix. La tonalité se veut plus « sombre », sans pour autant tomber dans quelque chose de « déprimant ».

La plupart des titres a été composée par Yannick Dupont. « L’album propose des morceaux plus structurés, organisés, même orchestrés », note-t-il. Cependant, la formation bruxelloise reste ouverte à l’improvisation, à l’image du dernier morceau de l’album, entièrement improvisé. « Il y a beaucoup de moments atmosphériques, qui proviennent d’improvisations, pas dans le sens du jazz mais plutôt des impros sonores. Ce n’est pas non plus un album de jazz avec des solos et des thèmes. C’était ça le but de ce disque, quitter cet esprit-là. Il y a quelque chose de plus collectif dans l’improvisation, ce qu’on aime bien et qui nous pousse à chercher ailleurs. »

Pour ce nouveau disque, Yôkaï a investi le Robot Studios à Gand, pendant six jours. « Ce qui était presque du luxe pour nous, d’habitude on fait ça plus vite et condensé car cela coûte des sous », relève Jordi Grognard, clarinettiste et saxophoniste. Le propriétaire du studio, Pieterjan Coppejans, a également eu un rôle central dans la conception. « Il est quasiment devenu le producteur du disque avec nous. Il a donné plein d’idées, on s’est compris. Il y avait une super ambiance. On espère pouvoir enregistrer à nouveau là dans le futur. On a pu jouer avec tout ce qu’il y avait dans le studio, c’était très agréable », s’enthousiasme Yannick Dupont. Ce qui a notamment permis aux multi-instrumentistes d’ajouter du Mellotron ou davantage de boîtes à rythmes.

Contrairement au disque précédent qui comportait encore un titre avec du chant (Petit Indien N°3 avec Lynn Cassiers), ici, les neuf plages sont totalement instrumentales. « On joue tous dans d’autres groupes où il y a des chanteurs ou chanteuses. On n’a pas la nécessité absolue d’avoir du chant. Peut-être qu’à l’avenir on fera des choses chantées. Mais on ne veut pas faire de chansons à texte, on peut par contre utiliser la voix comme un instrument », détaille le batteur, qui tourne également avec Jawhar. Pour leur prochain projet, le groupe serait tenté de rebattre encore les cartes, avec une proposition totalement acoustique. Comme le souligne Jordi Grognard, ils aiment se mettre en danger. « Dès qu’on a une recette, on la change vite. C’est peut-être là où on est encore assez “jazzmen” ! »


Yôkaï
Coup de grâce
Humpty Dumpty Records