Festival FrancoFaune
Au service de... la francophonie, bien sûr!
Événement dévoué à la "biodiversité musicale", le FrancoFaune offre des promesses d’avenir à celles et ceux qui (en)chantent la langue française sans contrefaçon. Organisé du 1er au 11 octobre dans différents lieux de la capitale, ce festival atypique tient aux visions éclairées de Céline Magain et Florent Le Duc. À la tête des opérations, le duo prend ses quartiers à la Maison poème. Antre saint-gillois du festival, le lieu est à l’image du FrancoFaune: un laboratoire de recherches littéraires et de créations sonores.
Comment le festival FrancoFaune a-t-il vu le jour ?
Céline Magain: L’aventure commence en 2014. Avant ça, il y avait un double dispositif : un concours (La Biennale de la chanson française) apparu en 1994 et, à partir de 2001, un festival appelé Rallye Chantons Français. En 2014, nous avons remodelé tout ça sous la forme de FrancoFaune, soit deux semaines de festival de musique en français, avec une cinquantaine de concerts, dans une quinzaine de lieux bruxellois, début octobre. Le reste de l’année, FrancoFaune est aussi une structure d’accompagnement d’artistes.
Florent Le Duc: Nous assurons la promotion de la scène émergente francophone, tant en Belgique qu’à l’étranger, essentiellement sur des territoires comme la France, la Suisse ou le Québec. Notre action est aussi à mettre en relation avec les petits lieux de diffusion, des endroits où les concerts se jouent à taille humaine.
Céline Magain
Notre festival est surtout là pour aider les artistes
à franchir un palier dans leur carrière.
Vous codirigez FrancoFaune depuis 2014. Quelle est l’origine de cette direction bicéphale?
CM: Nous étions impliqués dans la précédente mouture du projet. Nous avions une vision du chemin parcouru entre 1994 et 2011, tout en étant conscients des changements à apporter. Au départ, il n’y avait que nous à bord du navire FrancoFaune. La codirection s’est imposée. Puis, la structure s’est développée. Désormais, l’équipe se compose de six personnes. Mais nous avons conservé notre organisation.
FLD: À force de réflexions concertées, nous prenons les meilleures décisions pour le projet commun. Cette codirection est aussi un moyen d’élargir notre réseau. Cela favorise la personnification de la structure, sa visibilité pour les acteurs extérieurs, à différents endroits.
Cette année, FrancoFaune célèbre sa 12è édition. Quelles sont les principales évolutions depuis la première édition?
FLD: Au début, le festival reposait sur nos seules épaules. Aujourd’hui, toute une équipe est soudée autour du projet. La nôtre, bien sûr, mais aussi celles des salles dans lesquelles se déroule le festival. Ensuite, il y a les bénévoles et les indépendants engagés ponctuellement sur le graphisme, les photos ou la technique. En tout, plus de 150 personnes œuvrent à la réussite de l’événement.
CM: Nous avons aussi renforcé l’encadrement artistique via le Parcours FrancoFaune, un programme d’accompagnement qui comprend des résidences, du coaching scénique et vocal. Cette année, nous avons bossé avec Imis Kill, chose et Nsangu. Durant le festival, ces projets belges vont bénéficier d’une belle visibilité. Parce qu’au fil des éditions, nous avons développé un réseau avec des journalistes et des pros venus de l’étranger. Via le festival, nous opérons un travail de prospection, de promotion, mais aussi de préservation de la scène musicale francophone.
Florent Le Duc
Organiser des concerts dans des lieux de cent places,
en payant les artistes correctement, ce n’est pas lucratif.
Les cartes blanches ont la part belle dans la programmation. Quelle est leur fonction?
FLD: Elles offrent un regard atypique sur un projet que les gens auraient peut-être vu plusieurs fois durant l’été. Par ailleurs, une part de notre public se compose de professionnels. Nous devons aussi veiller à les interpeller et ce n’est pas évident. Car, bien souvent, ils ont déjà vu par ailleurs les artistes que nous programmons. En cela, une carte blanche donne autre chose à voir. Les meilleures sont celles qui connaissent une vie après le festival. Certaines donnent aussi naissance à des come back miraculeux, comme ceux d’Alain Chamfort ou de Brigitte Fontaine. Cette année, nous avons proposé des cartes blanches à Edouard van Praet, Mathilde Fernandez ou Nicolas Michaux.
Dans le paysage actuel, certains festivals se muent en machines commerciales. Chez FrancoFaune, vous misez sur un événement à taille humaine. Est-ce un choix éthique, artistique ou économique?
FLD: Nous réalisons une mission de service public. Nous programmons rarement des têtes d’affiche “rentables” au sens capitaliste du terme. Cette année, par exemple, les artistes les plus connus sont Albin de la Simone, ELOI ou Mathilde Fernandez, la chanteuse du groupe Ascendant Vierge. Notre économie est soutenue par un maillage de partenaires publics. Sans cela, c’est mission impossible. Parce qu’à l’évidence, organiser des concerts dans des lieux de cent places, en payant les artistes correctement, ce n’est pas lucratif.
CM: Notre festival est surtout là pour aider les artistes à franchir un palier dans leur carrière. Il y a quelques années, nous avons accordé une carte blanche à Roméo Elvis. Il avait invité sa sœur. Le public a donc découvert Angèle en petit comité. À l’époque, nous avons joué notre rôle, en lui offrant une marche pour gravir un échelon supplémentaire. C’est ce que nous faisons pour toutes celles et tous ceux qui passent par FrancoFaune. Si nous sommes en mesure d’assurer ce boulot, c’est grâce à des acteurs publics comme la Commission communautaire française (COCOF), la Fédération Wallonie-Bruxelles ou la Ville de Bruxelles. Nous bénéficions aussi du soutien de Wallonie-Bruxelles Musiques (WBM), une agence spécialisée dans l’exportation du secteur musical de la Fédération Wallonie-Bruxelles, et une aide comparable de son homologue canadien, l’organisme Musicaction.
Le lien avec le Canada est assez prégnant dans la programmation du FrancoFaune. Comment ce lien privilégié s’est-il développé?
FLD: L’exportation des artistes québécois est une question de survie pour cette différence culturelle qu’est le Québec sur la carte de l’Amérique du Nord. Nous avons aussi tissé des liens avec les communautés francophones qui se situent en dehors du Québec. Que ce soit en Alberta, en Colombie-Britannique ou au Manitoba. Là encore, c’est une déclaration d’intention. Car sans un soutien assumé à la francophonie présente dans ces poches isolées, la langue française y disparaîtra dans deux ou trois générations. Cette année, par exemple, nous accueillons le groupe canadien Beau Nectar, dont la chanteuse est originaire de la province du Saskatchewan, en plein cœur du Canada. Là-bas, la communauté francophone représente à peine 2% de la population.
Envisagez-vous de soutenir la francophonie issue de la scène musicale africaine?
CM: Récemment, nous avons rencontré une délégation venue de Côte d’Ivoire. Nous sommes attentifs aux opportunités. Mais nous restons une petite équipe. À six, on ne peut être au taquet partout en même temps, sur tous les continents. À l’avenir, nous aurons peut-être les connexions nécessaires pour entreprendre un travail durable et pertinent de ce côté-là. Il faut aussi souligner que les échanges ne sont pas facilités par les réalités administratives. Il est complexe d’obtenir des autorisations de travail pour les artistes africains qui doivent se produire en Europe…