Accéder au contenu principal
Le magazine de l’actualité musicale en Fédération Wallonie - Bruxelles
par le Conseil de la Musique

cabane

Grande est la maison brûlée...

Lison Marsin

Le 26 janvier dernier sortait le second disque de thomas jean henri, tapi derrière le projet musical cabane. Après un premier album lumineux, Brûlée chante les revers de l’amour avec sensibilité et maturité.

Délicat, altruiste, vif… Thomas jean henri, artiste pluridisciplinaire, persiste et signe avec cette patte qu’on lui connaissait déjà depuis son premier album Grande est la maison. Voilà que Brûlée, qui a tout d’une déflagration musicale lente et accrocheuse, marque le second souffle d’un triptyque dans lequel il s’est lancé il y a officiellement neuf ans. « Chaque texte, chaque chanson, a sa propre voix. Depuis le premier album, je me suis donné une période pendant laquelle j’ai décidé de lâcher prise », sourit le musicien. Et il fait bon de retrouver sa cabane avec ce même sentiment de familiarité, qu’on considérera cette fois-ci pour son côté plus intimiste, qui octroie aussi ses moments de tourmente. 



thomas jean henri
Ce deuxième album m’a apporté la confiance
sur le fait que j’étais capable de faire un disque.

 

Une fable aux notes brûlantes

L’album est, une fois encore, une porte ouverte sur le confort d’un chez-soi pour le moins chaleureux. Au total, une dizaine de titres épinglent çà et là les notes d’une mélancolie encore affable. Épilogué par les anglais Kate Stables (This Is The Kit), déjà présente sur le premier album, et Sam Genders (Tuung), Brûlée incarne ici un long dialogue brûlant entre ses deux chanteurs vedettes. 38 minutes et 21 secondes de répliques arachnéennes, chacune se dévoilant avec une mesure toujours plus percutante. L’album commence presque à voix basse, à pas de loup, avec le titre In Parallel. Il se saisit, au bout de quelques minutes d’écoute, de cadences éthérées et d’atmosphères déchirantes d’émotion. Tout Ira Bien conclut l’histoire, en portant des derniers fragments de sagesse et de lumière jusqu’à la dernière seconde.

À l’instar de son prédécesseur, cette nouvelle production accorde à nouveau ses violons, ses claviers et son inévitable guitare acoustique. Il engage même cette fois-ci une section rythmique, délaissée dans le premier album. « Je voulais redonner une place à la batterie, c’était comme un hommage à moi-même », explique l’ex-batteur de Venus. Alors oui, cet album a une allure confortable et réconfortante, même sur le terrain épineux des amours désabusés et finalement brûlés.

Brûlée confie d’ailleurs les effets de l’effacement et de la disparition, non sans quelques lésions pour l’artiste. « C’est la première fois que je fais un deuxième album issu d’un même projet. Je n’ai toujours fait qu’un seul disque avec les groupes dans lesquels j’ai joué dans ma vie, raconte-t-il. Celui-ci, je l’imaginais beaucoup plus ouvert, beaucoup plus joyeux. Je me suis aperçu que la matière que j’avais entre les mains était en fait très sombre, très dure, même si on voit une lumière en poindre. Mais je savais vers où je devais aller, quoi qu’en pensent les gens. Ce deuxième album m’a apporté cette confiance sur le fait que j’étais capable de faire un disque. »

Une mélodie réconfortante entre quatre murs

Même s’il s’avère moins lumineux que le premier album, Brûlée reste cependant l’étendard optimiste de cabane. C’était originellement le concept même du projet. « Cabane, c’est un endroit temporaire dans lequel on s’abrite des intempéries, météorologiques mais aussi sociales, politiques, amoureuses…, commente thomas jean henri. On a tous besoin de ce lieu, rien qu’à nous, où on peut fermer 
la porte. Je voulais moi aussi pouvoir m’octroyer cette chose-là. » Rappelons-le, le musicien et photographe a eu plusieurs vies (Soy un caballo, Venus…) au bout desquelles un besoin urgent de démission s’est fait sentir. C’est en 2015, après les années Stromae (avec lequel Thomas a collaboré), que l’artiste retourne vers la musique et la composition, dans une démarche plus personnelle. « J’ai vraiment eu l’envie de me recentrer. Je faisais toujours de la musique mais plus professionnellement. C’est ce que j’avais toujours fait de ma vie et 
à ce moment-là, j’ai ressenti le manque. »


thomas jean henri
Quand tu as l’occasion de faire chanter tes chansons par Kate Stables,
Will Oldham ou Sam Genders, c’est compliqué de refuser.

 

Le projet cabane est alors lancé, loin du “rock” belge que l’artiste a connu. Avec un peu de matériel d’enregistrement, thomas jean henri se met à composer et enregistrer des morceaux homemade. 
Du projet d’album-triptyque est d’abord né Grande est la maison en 2020, qui est d’ailleurs presque apparu comme un acte politique pour l’artiste. « Plein de pays n’arrêtent pas de fermer leurs frontières, de se renfermer sur eux-mêmes et je ne pense pas que ce soit la solution. Grande est la maison est un symbole du cœur. La solution restera toujours dans l’ouverture, la grandeur, l’accueil et la bienveillance. »
Quatre ans plus tard, Brûlée vient compléter une phrase encore en suspens. Car le musicien imagine alors le nom du projet comme une grande phrase qui synthétiserait trois albums, une fois les trois titres mis bout à bout. “Grande est la maison Brûlée …” donc.

« En commençant le projet, j’avais directement eu l’envie d’écrire trois disques pour Kate Stables, à qui je voue une grande amitié et un grand respect, explique-t-il. Je trouvais ça intéressant de travailler sur un projet conjoint pendant dix ou quinze ans, voir comment nos vies pouvaint se rejoindre et observer la maturité du projet en lui-même. »

Mais tiens, pourquoi le musicien ne chante-t-il donc pas ses propres mélodies ? « Quand tu as l’occasion de faire chanter tes chansons par Kate Stables, Will Oldham ou Sam Genders, c’est compliqué de refuser. Chanter, ça n’a jamais été mon métier, même si je peux le faire. Et puis, tu n’as pas besoin d’être présent pour être présent. Il me semble que cabane me ressemble d’autant plus, parce que je n’y suis pas. »


Un album ponctué d’images
En mars 2023, thomas jean henri, également pris par la photographie, a présenté une série de 365 clichés à la galerie L’Enfant Sauvage à Bruxelles, attribuant ainsi en stop motion ses images au clip du titre Today. 365 jours de la place Poelaert ; admirée, immortalisée. « Du dimanche 9 janvier 2022 au lundi 9 janvier 2023, j’ai mené un rituel photographique en me rendant tous les jours à la place Poelaert à Bruxelles, située à 3,8 km de chez moi, pour y photographier le ciel avec mon appareil argentique moyen format. Nous vivons tous les mêmes journées… mais en gardons-nous les mêmes souvenirs ? »
Le photographe conjoint ce projet  à son second album, en attendant de découvrir le dernier du tryptique.


cabane
Brûlée

cabane records