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Le magazine de l’actualité musicale en Fédération Wallonie - Bruxelles
par le Conseil de la Musique

Kuna Maze

Night Shift

Nicolas Alsteen

À l’écart du duo formé avec le camarade Nikitch, Kuna Maze s’élance sur la longueur d’un premier album solo. Connecté à la vie nocturne et à l’énergie de la scène électro-jazz bruxelloise, le producteur malaxe des sons hybrides sous la boule à facettes. Fusion de broken beat, d’effluves jamaïcaines, de house et d’autres trucs bien funky, l’affaire sent bon l’afterparty.

 

Posé en terrasse, Édouard Gilbert remonte le fil de l’histoire. De sa naissance à Saint-Germain-en-Laye au premier album solo de Kuna Maze, le musicien a déjà parcouru un joli bout de chemin. « Je suis né en région parisienne, mais j’ai grandi en Auvergne, retrace-t-il. Quand j’avais sept ans, mes parents m’ont inscrit à un cours d’initiation musicale : le premier intervenant s’est pointé avec une trompette. Ça m’a marqué… » Trompettiste de formation, le petit garçon apprend à gérer son diaphragme et à respirer par les coins de la bouche. « J’ai poursuivi dans cette voie au Conservatoire de jazz, à Lyon. Mais l’apprentissage était ultra-formaté. Il s’agissait de reproduire des grands standards du jazz… Les meilleurs élèves accédaient à des carrières en trio ou en quatuor, les autres terminaient dans des salles de fêtes ou de mariage. Je n’avais pas spécialement envie de ça… »

 

Édouard Gilbert
Cet album parle de la vie nocturne, de la fête, des choses bizarres,
presque surnaturelles, qui peuvent arriver la nuit.

 

Obnubilé par Flying Lotus et les galaxies électroniques de la constellation Brainfeeder (Lapalux, Lorn, Thundercat), l’étudiant s’autorise alors une infidélité à la trompette. « Je m’intéressais à la production mais je n’y comprenais rien. Par chance, un pote qui suivait des cours de MAO (Musique Assistée par Ordinateur, – ndlr) m’a proposé de l’accompagner. Son prof était très technique et expérimental, à fond dans la musique concrète. Il ne jurait que par Pierre Schaeffer. Cela dit, il m’a appris à utiliser le logiciel Ableton. » Parallèlement à cette initiation à la production, le musicien renouvelle sa passion pour le jazz via un détour par le Conservatoire de Chambéry. C’est là qu’il rencontre Nicolas Morant, alias Nikitch. Amené à prendre le train ensemble, le duo se retrouve autour de la figure de Flying Lotus. « Nos goûts étaient assez similaires, très éloignés de ceux des autres élèves. Après les cours, on se posait ensemble dans un wagon et on travaillait sur des bouts de production. » À l’arrivée, les deux font la paire. « J’ai commencé à travailler avec Nikitch sous le nom de Kuna Maze », indique Édouard Gilbert.

Après deux albums rompus à la house, au broken beat et aux formes les plus hybrides du jazz, Nikitch & Kuna Maze délocalisent leurs activités sous l’enseigne NKM. « À nos débuts, associer nos deux noms, ça nous permettait d’attirer l’attention de tous les gens qui nous suivaient individuellement. Aujourd’hui, nous cherchons à développer nos carrières solos. Le problème, c’est que le public nous identifie parfois comme une seule entité. Pour clarifier les choses, sans perdre tout le monde en chemin, nous rassemblons nos productions communes sous le nom de NKM. Comme ça, séparément, nous sommes facilement identifiables et plus libres de nos mouvements. »

Contre-jour

Depuis 2017, Kuna Maze vit à Bruxelles. « Je me suis installé ici à force d’écouter des producteurs comme Shungu ou Le Motel », dit-il. En arrivant en Belgique,

il trouve un boulot dans la galerie Ravenstein. « Je m’occupais d’une expo sur un cardinal polonais méconnu, mais très important dans l’histoire de la création de l’Europe. Puis, je me suis retrouvé à la Bourse pour une expo temporaire sur Pompéi. » Désormais à plein temps sur sa musique, l’artiste publie Night Shift. « Cet album parle de la vie nocturne, de la fête, des choses bizarres, presque surnaturelles, qui peuvent arriver la nuit. J’avais envie d’aller au-delà des clichés solaires généralement associés à mon style de musique. » Signé sur le label anglais Tru Thoughts (Quantic, Alice Russell, Bonobo), Night Shift met le beat au cœur de l’action, sans oublier d’étoffer le récit(al) avec des sirènes dub piochées dans les plantations de King Tubby, mais aussi quelques graines jazz-funk chipées chez Roy Ayers ou Herbie Hancock.

Produit dans l’isolement, ce premier album solo n’est pas qu’une affaire de studio. « L’idée, c’est de le transposer sur scène, sans machine ni ordinateur. » Accompagné par le saxophone de Pierre Spataro (Commander Spoon), les claviers de Jan Janzen (KAU trio.) et la batterie de Victor Pascal, Kuna Maze s’apprête donc à jouer le chef d’orchestre. Basse à la main, rave plein la tête.