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Le magazine de l’actualité musicale en Fédération Wallonie - Bruxelles
par le Conseil de la Musique

Bààn

Jazz et bien plus

Didier Stiers

Changer quelque peu de cap sans se trahir, c’est quelque part la manœuvre opérée par le duo avec Shadowboxing. Un emballant nouvel album, instrumental, sorti sur le label brugeois W.E.R.F. records. Un disque qui pourrait même séduire les allergiques au jazz !

Quelques jours avant notre interview, le duo a vécu, comme le disent Philippe De Gheest (batterie) et Pascal Paulus (claviers), quelque chose d’aussi « chouette qu’incroyable » : donner deux concerts d’affilée. Le genre de chose qui ne leur était plus arrivé depuis un “petit” temps, un an au bas mot : « On avait joué l’année dernière en été, une date ou deux qui pouvaient matcher avec toutes les restrictions… » En tout cas, voilà de quoi effacer cette collante impression d’avoir été interrompus dans leur parcours. D’autant donc que leur nouvel album est sorti en ce début mars.

 

Bààn

On s’est imposé de composer des morceaux plus courts
pour toucher, éventuellement, une audience plus large.

 

Son titre, Shadowboxing, est plein de sous-entendus mais ne veut pas forcément dire que les deux compères aiment le noble art (la boxe…). « C’est plutôt l’image de quelqu’un qui se prépare, une espèce de préparation mentale et physique, seul dans son coin. Ce qui est marrant, c’est que, tout comme pour Reset (le précédent album de Bààn, – ndlr) qu’on a sorti le tout premier jour du confinement, les titres de nos morceaux étaient déjà donnés bien avant le Covid. Et celui-ci a été enregistré bien avant aussi. » Ou l’art de se faire rattraper par l’actualité… « Le premier single qui s’intitule Delta n’a strictement rien à voir avec le variant Delta… Mais par rapport au titre de l’album et aux deux ans qu’on vient de vivre, ça fait sens aussi ! »

Avec ses sept plages, Shadowboxing apparaît comme l’album le plus produit dans le parcours de Bààn. Une vraie démarche. « On s’est imposé de composer des morceaux plus courts pour toucher, éventuellement, une audience plus large. Qu’ils puissent rentrer directement dans l’oreille de plus de monde qu’avec des titres de 20 minutes… C’était un chouette challenge d’essayer de compacter notre énergie et d’avoir du coup un peu plus de matière. Ça offre un éventail plus large et plus d’idées. En faire des petites capsules, plus courtes, cela permet finalement d’aller creuser plus loin. Disons que c’est un peu un exercice de style. » Il est vrai que Reset comptait trois titres, dont l’éponyme en face B, long d’un peu plus de 19 minutes… Les idées se dilueraient-elles parfois au fil du temps ? Pas nécessairement, répliquent Philippe et Pascal. « On assume totalement les “anciens” titres. Mais on a vraiment bien exploré le côté très lent et très long. Ici, c’était juste l’envie d’avoir encore plus de dialogue sur un disque. À la fois pour nous et aussi en se mettant un peu à la place du public. Pour arriver avec un album avec plus de reliefs, plus de tracks, quelque chose de diversifié plutôt qu’un disque qui oblige – attention, on adore ça aussi ! – d’attendre de voir vers quoi il évolue. Quelque part, on propose un album plus “facile”, avec lequel on peut de ce fait voyager un petit peu plus. Mais, en live, on prend le temps de développer comme on a envie chaque thème. »

Si Bààn nous emmène en voyage, plus longuement ou plus loin, si par exemple ce titre, Delta, dégage quelque chose de très spatial, il n’en reste pas moins que le point de départ est toujours le jazz. Les deux garçons acquiescent : « Si par-là, on pense “ouverture”, “liberté”, “improvisation”, alors oui, effectivement, on est toujours dans le jazz. Même s’il y a cette fois quelque chose de plus écrit, on reste clairement dans la fluidité du langage musical qu’est le jazz. » D’autant plus que ce Shadowboxing sort chez W.E.R.F. records dont le jazz est l’ADN. « The finest in Belgian Jazz since 1993 », signale-t-on chez Wasted Energy Record Factory ! « Oui, tout à fait… mais en même temps, il se définit aujourd’hui comme un label jazz/not jazz. Il a quand même l’ambition d’élargir son spectre. Mais on vient de là nous aussi, du jazz… »


Bààn
Shadowboxing
W.E.R.F. Records