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Le magazine de l’actualité musicale en Fédération Wallonie - Bruxelles
par le Conseil de la Musique

Margaux Vranken

Without any doubt

Jacques Prouvost

La pianiste Margaux Vranken a profité de son année aux States pour réaliser l’un de ses rêves : enregistrer avec des cordes. Purpose est le résultat d’un premier album ambitieux et réussi. Rencontre avec une artiste déterminée sur la genèse de ce beau projet.

Margaux Vranken, une artiste déterminée

Dans la famille, on aime la musique mais personne n’en a fait un métier, nous confie Margaux Vranken. Mon grand-père était patron d’un resto en Afrique, puis en Belgique, et jouait du piano en amateur pour mettre de l’ambiance, ma mère est très mélomane, mon oncle a fait de la programmation pour le Bota, mon père est réalisateur-monteur et il y a toujours eu des instruments à la maison. »

On le voit, chez les Vranken, l’art est fondamental et quand on décide d’en faire quelque chose on s’engage totalement. C’est sans doute grâce à cet esprit de famille que Margaux s’est forgée le caractère qu’on lui connaît. Alors, quand elle commence à pianoter, vers l’âge de huit ans, on prend les choses au sérieux. «C’était directement le solfège et l’académie de musique. Il fallait s’accrocher mais mes parents m’ont soutenu et étaient là, à mes côtés, pour travailler.» Margaux se pique au jeu et découvre d’autres univers. «J’ai fait partie du jeune chœur de la Monnaie de 12 à 17 ans. J’étais fascinée par cette ambiance. Cela m’ouvrait encore plus l’esprit. On chantait avec Aka Moon, Oumou Sangaré et les African Voices, on chantait de l’opéra (avec Benoît Mernier), il y avait aussi de la musique contemporaine puis de la chanson française pour les 125 ans de la Belgique.» La voix prend beaucoup de place chez Margaux et elle se voyait presque chanteuse mais sa mère l’en dissuade. «Elle craignait de me mettre en avant comme une actrice. Elle m’a poussée à devenir instrumentiste. Depuis, j’adore accompagner, sans être trop dans la lumière. C’est ce que j’ai continué à faire même lorsque j’étais aux States

 

Margaux VrankenL’écriture doit être un instantané. C’est instinctif.

 

Le parcours de Margaux l’a, en effet, menée jusqu’au célèbre Berklee College of Music. «Je suis hyper diplômée, dit-elle en riant : 4 ans de Bac à Bruxelles avec Diederik Wissels qui a pris le temps d’installer les bases et me faire ressentir la musique, 2 ans de master, un an d’agrégation et puis Berklee.» Tout n’a pas toujours été simple et il a fallu s’accrocher, une fois de plus. Le leitmotiv de la pianiste pourrait bien être celui, tout aussi humble et déterminé, de Jacques Brel qui disait que le talent n’existait pas, qu’il était surtout le fait d’avoir envie de faire quelque chose. Ce talent-là, elle l’a aussi, assurément. Et lorsque l’on force le destin, il finit toujours par donner un petit coup de pouce. «En novembre 2016, lors du Toots Thielemans Jazz Award, j’accompagnais le contrebassiste Fil Caporali qui venait de recevoir le premier prix. C’est là que Diederik me présente un responsable d’un tout nouveau programme crée en 2015 : le master au Berklee Global Jazz Institute

Margaux élabore un dossier solide, accompagné d’une lettre de motivation sérieuse, décroche une bourse et la voilà partie de l’autre côté de l’océan pour jouer avec Joe Lovano, Danilo Pérez, Terri Lyne Carrington et autres stars du jazz. « On est allé dans des clubs mais aussi dans des prisons, des homes. On tournait en combo avec une grosse vingtaine d’élèves, ce qui a permis de créer des liens forts. Le principe, là-bas, c’est de jouer, jouer, jouer, tout le temps et partout et de développer son propre projet. »

Celui de Margaux est assez ambitieux et lui trotte dans la tête depuis longtemps. «Je voulais travailler avec un ensemble à cordes. J’avais déjà beaucoup d’idées en tête, mais je ne savais pas où, ni avec qui, ni comment cela aller se concrétiser. Tout s’est dénoué là-bas. J’ai choisi les musiciens qui étaient presque tous de ma promo et il me fallait aussi un quatuor à cordes qui lise vite et soit très soudé. J’ai découvert le Ansonia String Quartet qui s’était formé à la Julliard School à New York.»

Avec entrain et dix compositions en poche, la pianiste convainc tout ce beau monde de la suivre ! Mais tout n’est pas joué pour autant. Entre Boston et New York, il fallait encore trouver un lieu pour répéter ensemble. C’est à Brooklyn, au Wilson Live (espace de répétitions créé par le contrebassiste Omer Avital), que tout s’est centralisé. Car l’objectif de Margaux est bien d’enregistrer et sortir le disque aux States. Pour cela, elle demande à nouveau à son mentor, Diederik Wissels, de l’aider à organiser et superviser l’album. Elle met un point d’honneur à payer totalement les musiciens, le voyage de Diederik à New York et, bien sûr, le studio – pas bon marché – qui n’est autre que le Bunker de John Davis, ingé-son de Brad Mehldau, entre autres. « J’étais hyper préparée. Tout était écrit et calibré et je savais exactement ce que je voulais. Tout était minuté. J’avais un fichier Excel avec le timing de chacun. On avait deux jours pour mettre en boîte dix morceaux, dont cinq avec quatuor, et une demi-journée pour un re-recording avec les chanteuses. Cela ne laisse pas beaucoup de temps pour les hésitations. »

Margaux VrankenJ’adore accompagner, sans être trop dans la lumière.

La magie opère et le résultat est sublime et très personnel. Margaux n’utilise pas les cordes en simple soutien mais les intègre, tout comme les voix, dans sa musique. « J’ai baigné dans la musique pop. Les voix et les cordes viennent de là. Les Beatles, Led Zep, Quincy Jones et Michael Jackson et puis Paul Simon, ce sont des cordes à fond ! Je voulais ça, cette chaleur et l’envie de jouer tous ensemble. » L’esprit de communauté est donc toujours bien présent même si la composition est un exercice plus solitaire. « L’écriture doit être un instantané. C’est instinctif. Je ne veux pas juger. Ensuite je travaille l’instrumentation et les arrangements. Pour les paroles, j’ai confié cela à Aneta Nayan et Farayi Malek qui ont totalement intégré mon univers. »

Tout s’est donc déroulé parfaitement jusqu’à l’arrivée de cette sacrée Covid ! Empêchée de retourner aux States, Margaux revoit ses plans, propose les bandes à Igloo qui, enthousiaste, décide de soutenir l’artiste. L’album sortira mi-novembre et on aura l’occasion d’entendre en live (croisons les doigts) cet excellent répertoire lors de concerts prévus début janvier, dont un au River Jazz à Bruxelles.

«Quand je décide quelque chose, je mets une deadline et puis je n’ai plus le choix, je dois y arriver. Et je sais que je trouverai des solutions !» assène-t-elle avec conviction. Nous, tout ce qu’on espère, c’est que ses vœux se réalisent.

Margaux Vranken
Purpose
Igloo Records