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par le Conseil de la Musique

Doria D

Le pouls d'une génération

Luc Lorfèvre

Trois ans après Dépendance, hymne générationnel qui a dépassé les 10 millions de streams, la chanteuse et compositrice muscle le son, sort les guitares et se nourrit de ses doutes existentiels sur son premier album Je cherche encore.

«Je n’ai pas de mode d’emploi, je suis perdue dans ce monde », chante Doria D(upont) sur son premier album Je cherche encore. Entrée dans l’âge adulte sous nos yeux, la jeune femme de 24 ans prend le pouls de sa génération tout en se métamorphosant musicalement. Trois ans après l’EP Dépendance qui l’a révélée, l’auteure, compositrice et interprète originaire d’Ottignies, s’est affranchie de la structure de G Major Productions pour retrouver sa liberté. Questions, Colère, Morose, Danger… Les titres des huit chansons de ce disque autoproduit parlent d’eux-mêmes et relatent le cheminement d’une chanteuse qui n’a pas peur d’exprimer sa vulnérabilité. « Je me pose des questions depuis que je suis née, explique-t-elle. Je suis un peu en crise existentielle tous les deux jours. Je dois vivre et avancer avec ça, notamment en me réfugiant dans la musique. C’est une manière, finalement assez saine, de trouver certaines réponses. J’écris principalement sur ce qui me préoccupe mais j’essaie d’en faire quelque chose de positif. Ce premier album est un peu le recueil de tous mes apprentissages. De mes doutes aussi. 
Ça avait du sens de l’appeler Je cherche encore. Je me rends compte aussi que je ne suis pas la seule à chercher. C’est pareil pour tous mes potes, filles et garçons. Je viens d’avoir 24 ans. On est dans un âge où on est hyper perdus, on ne sait pas du tout ce que l’avenir nous réserve. »

 

Doria D
L’idée est de bousculer les choses, un peu comme dans la vie de tous les jours.

 

Je cherche encore reste pourtant un disque lumineux. Et plus musclé. Les sonorités urbaines et formatées de l’EP Dépendance sont quelque peu délaissées au profit d’arrangements plus audacieux, de guitares électriques, de nuances acoustiques et d’une démarche artisanale plus ancrée dans la scène alternative. En résulte un album avec l’âme et pas seulement construit en pensant aux algorithmes. Nanana qui est introduit par un effet de distorsion, le refrain torturé de Ton Regard ou les climats quasi oppressants du bien-nommé Danger rappellent que Doria D est passée par la case “rock énervé” dans l’adolescence. « On ne peut pas se refaire, rigole-t-elle. J’ai fait l’école des bars et des tremplins dans les quartiers universitaires de Louvain-la-Neuve où je chantais des reprises de Nirvana.
Les choses se sont très vite emballées avec le succès de la chanson Dépendance. On m’a proposé très vite des concerts et j’ai foncé. J’ai fait environ une centaine de dates avec seulement un single et un EP. 
C’est incroyable, d’autant qu’on était alors en pleine crise du Covid avec tout ce que cela a impliqué comme restrictions culturelles. On avait peu de moyens mais beaucoup d’enthousiasme. Il y avait toutefois la frustration d’avoir beaucoup de bandes préenregistrées sur scène. Petit à petit, c’est devenu moins formaté et plus dans l’énergie. Mes influences rock étaient là, mais moins visibles. Avec Je cherche encore et la prochaine tournée, elles reviennent à la surface. L’idée est de se faire plaisir et bousculer les choses, un peu comme dans le vie de tous les jours. Je suis une artiste indépendante aujourd’hui. Je n’écoute que moi et je n’ai pas peur d’expérimenter. »

Je cherche encore positionne clairement Doria D au cœur de la nouvelle scène belge francophone féminine. Une scène qui bouge, partage les mêmes références rock indie (comme RORI et sa passion assumée pour les Arctic Monkeys) et s’affranchit des codes de la pop urbaine et des sons du moment. « Oui, c’est vrai que ça bouge chez les meufs. Avec RORI, Charles, Iliona, Saskia ou encore Orlane que je connais un peu moins personnellement mais que je suis sur les réseaux. Nous sommes toutes issues de la même génération, on s’entend bien et on s’encourage. Ça me fait très plaisir d’autant que rien n’est calculé. C’est très authentique, à nouveau très indé dans la démarche. Et puis le rock, que ce soit pour les mecs ou les meufs, ça manquait un peu dans le paysage, non ? »


Doria D
Je cherche encore
Autoproduction